En 2020 à Hong Kong, Ray Yeung a assisté à une conférence sur les droits de succession pour les couples homosexuels. Le conférencier a cité quelques exemples, très similaires à l’intrigue de Tout ira bien. Le réalisateur se rappelle : "J'ai tout de suite pensé que c’était une idée de film très intéressante et j’ai donc interrogé plusieurs personnes qui avaient vécu cela. En discutant avec elles, j’ai réalisé que je devais vraiment écrire une histoire à ce sujet."
"D’abord, pour aborder les droits de la communauté LGBTQ à Hong Kong, mais aussi pour questionner ce que signifie la famille à notre époque. Est-ce uniquement une question de liens biologiques ? Les liens du sang sont-ils plus importants que les années vécues avec quelqu’un ? Et comment le droit interprète-t-il cela ? C’était la base de mon scénario."
Hong Kong a une place très importante dans Tout ira bien, tant sur le plan visuel que thématique. Ray Yeung confie : "Il y a deux problématiques majeures à Hong Kong. La première est le manque d’espace de vie. Tout le monde est coincé dans un appartement très petit et généralement très cher. L’appartement spacieux de Angie est donc extrêmement attrayant pour les membres de la famille de Pat. Par ailleurs, même si Hong Kong peut sembler très moderne en apparence, elle est encore très imprégnée de croyances chinoises traditionnelles."
"Les coutumes traditionnelles chinoises sont assez homophobes et totalement fondées sur un modèle de société patriarcale, l’homme jouant toujours le rôle le plus important dans les rituels et cérémonies. Et je pense que le film met cela en évidence. J’ai toujours un sentiment étrange quand je me rends à ces évènements."
Ray Yeung avait déjà travaillé avec Patra Au, l’actrice qui joue Angie, dans Twilight’s Kiss : "C’était une actrice de théâtre depuis de nombreuses années mais elle n’avait jamais tourné dans un film auparavant. J’avais appelé une compagnie à Hong Kong pour leur demander s’ils pouvaient me présenter une actrice dans la tranche d’âge qui m’intéressait. Et ils m’ont présenté Patra, que j’ai trouvée excellente", précise le metteur en scène, en ajoutant par rapport au reste du casting :
"Lorsque j'ai écrit le scénario de Tout ira bien, je pensais à elle pour le rôle. Le casting pour le personnage de Pat a été plus compliqué. Nous étions en phase de préproduction lorsque j’ai découvert Maggie Li en regardant une série télévisée dans laquelle elle jouait. Elle était à la retraite depuis 34 ans mais je l’ai trouvée si juste dans la série que je lui ai tout de même demandé si elle était intéressée. Par chance, elle avait vu Twilight’s Kiss et pensait que ce rôle serait un défi pour elle."
À bien des égards, Tout ira bien est étroitement lié à la culture hongkongaise. Toutefois, Ray Yeung pense que le public international peut s'y retrouver : "Dans de nombreux pays, la situation est assez similaire, non seulement au niveau financier, mais aussi pour ce qui concerne la propriété et l’héritage. Lorsque votre partenaire est là, vous avez une famille élargie, mais le jour où il disparaît, vous n’êtes plus qu’un ami, voire une simple connaissance, et vous êtes mis à la porte."
"Je pense que tout le monde peut s’identifier à cette histoire, au chagrin de perdre quelqu’un qui vous est très cher en même temps que votre monde change radicalement, du jour au lendemain."
Côté sources d’inspiration stylistiques, Ray Yeung cite le réalisateur japonais Yasujiro Ozu : "J’ai été stupéfait par son style lorsque j’ai découvert son cinéma. En grandissant, j’ai vu beaucoup de films hollywoodiens. Il y a toujours beaucoup d’action et de mouvements de caméra dans ces films, et ils sont très divertissants. Mais lorsque vous regardez un film d’Ozu, c’est tout aussi captivant, si ce n’est plus, parce que les informations ne vous sont pas servies sur un plateau. Vous devez absorber le film, être là avec les personnages et vous imprégner de l’atmosphère, des silences, des ellipses."
"Les éléments sont disséminés ça et là si vous êtes attentif, et vous pouvez faire appel à votre imagination pour combler les trous. Je trouve cette approche très inspirante et j’ai voulu réaliser Twilight’s Kiss et Tout ira bien dans ce style. Un autre réalisateur que j’admire beaucoup est Ang Lee. Je me souviens avoir vu The Wedding Banquet quand j’étais jeune. Ce film m’a fait réaliser que le public était sensible aux histoires portant sur les minorités ethniques et sexuelles."