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    Les Chambres rouges
    Anecdotes, potins, actus, voire secrets inavouables autour de "Les Chambres rouges" et de son tournage !

    Un phénomène sous-étudié

    Selon l’Internet Movie Database (IMDb), plus de 5 000 films ou séries sont répertoriés sous l’étiquette « serial killer ». La fascination morbide qui leur est consacrée atteint aujourd’hui son paroxysme avec toutes les séries de « true crime » qui affluent sur les plateformes streaming. Pourtant, un phénomène curieusement sous-étudié, autant à l’écrit qu’en audiovisuel, est l’attirance magnétique que des femmes éprouvent pour ces tueurs. Le cinéaste Pascal Plante explique :

    "C’est immanquable : aussi abject soit le meurtrier, il se fera courtiser par bon nombre d’admiratrices (Charles Manson recevait toujours environ 20 000 lettres par année, incluant des demandes en mariage quotidiennes, jusqu’à sa mort en 2017). Et cette fascination débute dès l’arrestation du suspect. À chaque procès médiatisé, c’est inévitable: des « groupies » s’ameutent dans les salles d’audience. Et elles sont majoritairement des femmes. Mais qui sont-elles ?"

    "La réponse est complexe et comporte plusieurs facettes, mais la question en soi fut assez obsédante pour stimuler mon imaginaire. Angoisse pandémique aidant, je suis tombé dans un rabbit hole de recherche glauque qui m’a également amené à lire sur la cybersécurité et sur les crimes technologiques. Je voulais que le tueur fictif de ce film-en-devenir soit un produit de son époque : il allait de soi de réfléchir aux nouveaux médias pour façonner son profil psychopathique."

    Curiosité morbide

    En préparation des Chambres rouges, Pascal Plante a regardé beaucoup de films "tordus", au point de flirter avec apathie face aux images extrêmes qu'il consommait : "Mais l’horreur ne se retrouve pas qu’en fiction : les bulletins de nouvelles sont bien souvent tout aussi sordides. Dans ses derniers écrits, la critique de la culture Susan Sontag disait que le flot incessant d’images violentes dans nos sociétés immunise les téléspectateurs et finit par saper leur capacité à réagir ; que cette diète quotidienne d’horreur suscite finalement de l’indifférence plutôt que de l’outrage ou même de la compassion."

    "Au sommet de sa « popularité », il est estimé que la vidéo du meurtre de Jun Lin par Magnotta a été regardée plus de 10 millions de fois en 24 heures. Qu’est-ce que cela raconte sur nos pulsions profondes ? Sur notre société ? Aujourd’hui, être « fasciné » plutôt que « dégoûté » par un crime odieux est plus que jamais plausible. Et que dire des médias qui « glamorisent » les tueurs à coup de surnoms et de gros titres qui stimulent l’imaginaire pour générer des clics ? Dans un monde où ils sont traités comme des rockstars, devons-nous nous surprendre de leur pouvoir d’attraction ?", confie le réalisateur.

    Un contrepoint

    Avec Les Chambres rouges, Pascal Plante a voulu offrir un contrepoint singulier aux thrillers du genre en renversant le point de vue au féminin, tout en s’inscrivant au cœur d’enjeux éthiques contemporains liés à notre hygiène de consommation technologique : "Enrobé dans un cyber-thriller judiciaire tendu et angoissant, Les chambres rouges est une œuvre qui réfléchit (et critique) notre fascination collective envers les meurtriers. Un anti -film de tueur en série, en quelque sorte."

    Ecarter le tueur

    Les Chambres rouges prend le pari d’écarter le tueur au maximum, pour épouser le point de vue de Kelly-Anne, une jeune femme énigmatique aux motivations polymorphes. Pascal Plante développe : "Sans vouloir trop cantonner ma protagoniste dans un diagnostic psychiatrique, Kelly-Anne penche néanmoins vers le côté sociopathique du spectre ; vers l’hybristophilie (la paraphilie de quelqu’un qui est stimulé par des crimes atroces)."

    "Une sorte de Bonnie dans Bonnie & Clyde. Mais Kelly-Anne est bien plus complexe que cette étiquette, surtout qu’elle n’est volontairement jamais expliquée par des éléments de son passé, et ce, afin de la faire exister au présent, en dialogue avec son environnement, sans simplifier ses agissements par psychanalyse. Et puis, on peut tout à fait tenter de la cerner sous un angle métaphorique. Une vengeresse spectrale, peut-être."

    "Dans tous les cas, le rapport entre le spectateur et Kelly-Anne n’est pas fondé par un principe « d’identification », mais bien de « fascination », ce qui est en adéquation avec la psyché de Kelly-Anne, elle-même fascinée par un tueur et par ses victimes."

    Mouvements de caméra

    Le langage cinématographique des Chambres rouges épouse la subjectivité trouble de Kelly-Anne, dont l’état psychologique évolue – et se dégrade – au fil du récit. Pascal Plante explique : "Initialement, Kelly-Anne est méthodique et analytique : l’esthétique est analogue à son côté cartésien (des plans flottants méticuleusement chorégraphiés couplés à des plans statiques en longue focale et des zooms calculés). Son modus vivendi solitaire gravite autour de la lumière bleutée des écrans, dont le contenu, souvent filmé en gros plan, fait partie intégrante de l’histoire."

    "Cependant, lorsque Kelly-Anne connaît des élans d’humanité avec Clémentine, la caméra s’assouplit au rythme de leur amitié naissante et l’invite dans le cadre, à l’épaule avec un plus grand angle, afin d’insuffler un peu de spontanéité aux images. Et enfin, lorsque la paranoïa de Kelly-Anne s’intensifie (tout comme le rythme de montage), la caméra se colle à elle de façon intrusive et prend des accents plus nerveux et déroutants, voire oppressants. Ici, les repères réalistes s’effritent, laissant ainsi une place plus marquée à l’expressionnisme visuel et sonore – au film-expérience."

    "Et au terme de cette plongée au plus sombre de la nature humaine – de ce film de fantôme et/ou de sorcière à peine déguisé – je ne peux que souhaiter que Les chambres rouges vous colle à la peau. Qu’il vous surprenne. Qu’il vous hante."

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