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Bruno P.
2 critiques
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4,0
Publiée le 8 décembre 2024
Poignant témoignage montrant à la fois des révoltés courageux, des victimes, des témoins et des complices, tout cela dans un même cercle restreint avec les meilleurs acteurs possibles, les protagonistes de cette histoire tragique, de ce massacre sur lequel pèse le silence. Grâce à des moyens faits de bric et de broc, un petit génie des lieux reconstitue la rue et offre un cadre dans lequel les souvenirs viennent bousculer les non-dits et les mensonges. Tout ça avec les "vrais gens".
Un peu trop loin de la réalité que l'autrice veut dénoncer, avec l'usage de figurines et maquettes qui ne rapprochent pas vraiment de la réalité de. ce massacre que la grand mère veut ignorer. perpétré par la police du féroce Hassan II
"La Mère de tous les mensonges" s'inscrit dans la lignée des documentaires fictionnés, visant à rejouer des événements passés afin d'exorciser certains démons du passé. Ici, l'autrice décide de réunir sa famille afin de faire jaillir la vérité sur une période cachée de son histoire, s'aidant pour cela de marionnettes dans une reconstitution de son ancien quartier. Bien que le dispositif soit intéressant, le résultat est très inégal, donnant lieu à plusieurs séquences brillantes, mais tombant très souvent à plat... Pire, certaines scènes sonnent faux et rompent totalement le sentiment de spontanéité et de vérité qui devrait pourtant être au cœur. On sauvera donc la mise en scène élégante et inspirée, et la force évocatrice des événements que l'on découvre et qui nous bouleversent.
Voilà un objet cinématographique d'une forme très atypique. Et réussi dans la forme et le contenu! Asmae El Moudir combine le documentaire social et une sorte de psychothérapie familiale, à la recherche des secrets familiaux qui ont résisté au temps, sous le strict contrôle de la grand-mère, qui joue son propre rôle dans le film, comme d'autres membres de la famille. La reconstruction de la ruelle de Casa en Miniatures est une idée percutante et lumineuse. Revivre et rester à distance tout à la fois, on comprend que le projet ait mis dix ans à aboutir. Il est tellement personnel, que l'on ne peut deviner les prochains films de cette réalisatrice viendront confirmer son talent. Le volet social, autour de la répression brutale et inhumaine des émeutes de la faim en juin 81 vient percuter l'histoire familiale El Moudir. Secret d'Etat (on fait disparaitre les corps), secret familial (on fait disparaitre les photos), tout se mélange et la vérité n'arrive que par bribes, jamais complètes. On se croirait par moment dans les films sur l'Algérie comme La guerre sans nom. La mise en scène est un dispositif, un jouet pour adultes enfermés sur leurs traumas. Le partage avec le spectateur ne peut être conclusif, d'ailleurs c'est devenu inutile, la tonalité a déjà complètement changé puisque "maintenant les murs n'ont plus d'oreilles". Le spectateur, voyeur d'une séance, se retire ému et plein de compassion, c'était En thérapie, version live et marocaine. Caravane d'Afrique - avril 2024
La cinéaste Asmae El Moudir s’intéresse au passé de sa famille où la création d’images a longtemps été proscrite. Une introspection touchante enjolivée par une réalisation et une mise en scène exigeante.
Le film est assez fort. Le parti pris, le "procédé" de faire représenter/revivre le passé de la famille de la metteuse en scène à travers des figurines et des maquettes est intéressant et plein de poésie. Ces adultes jouant avec ces figurines semblent un peu enfantins et dérisoires, mais leur attention marque l'importance que revêt pour eux la recherche de la vérité sur les "émeutes du pain" des 20 et 21uin 19811. Malheureusement, la grand-mère d'Asmae El Moudir, qui détient l'essentiel de la mémoire et est donc au centre du film, est aigrie, menteuse (on comprend pourquoi) et n'a absolument aucun charme (on la voit souriante, une fois, à la fin du film). Le film tourne -c'est comme ça que je l'ai senti- donc au règlement de compte intrafamilial... Un peu troublant s'agissant d'un docu. Le procédé donne des images très belles, poétiques, juxtaposant, mêlant réalité et représentation miniature. Le film souligne la chape de silence sur la manifestation du 20 juin 1981 (cf l'excellent C'est eux les chiens de Hicham Lasri, disponible en VOD) et sur sa répression (600 morts), silence dont la grand-mère était complice, pour tenter de protéger sa famille (deux fils iront quand même en prison dont un pendant 13 ans) mais aussi par respect, par dévotion pour le roi
"on sait combien le silence tue le jour où on le brise"
Poignant long métrage qui aborde avec originalité et créativité les thèmes de la mémoire et des non-dits familiaux et historiques. Une réussite qui a bien mérité ses deux prix (mise en scène Un Certain Regard et Œil d'or du meilleur documentaire) au Festival de Cannes.
Un film d'une grande pudeur et d'une grande émotion. La réalisatrice cherche son histoire personnelle et tombe sur le roman national, époustouflant d'inventivité, elle parait si jeune en plus, wahoo...
Prix de la mise en scène "un certain regard" (cannes 2023), est un documentaire d'introspection familiale, sur fond d'un drame survenu en juin 1981 à Casablanca (Maroc).
Au cours d'une manifestation contre le prix du pain, une tante de la réalisatrice disparaît et plusieurs oncles sont arrêtés ou frôlent la mort lors de leur incarcération.
Malheureusement, cette thérapie de groupe reste contée de manière trop superficielle et on a le sentiment que cette entreprise mémorielle n'est pas encore accomplie pour la réalisatrice elle même.
L'importance de la mémoire pour dépasser les traumatismes est illustré par l'initiative du père et sa reconstitution du quartier où se sont déroulés les évènements de 1981.
Le refoulement est ( peut-être) illustré par la grand-mère, dont on observera les effets délétères ( pour elle, vraisemblablement, " toute vérité n'est pas bonne à dire").
Le manque de contenu constitue le point faible de ce documentaire certes réalisé avec soin et créativité.
"La mère de tous les mensonges" de la réalisatrice marocaine Asmae El Moudir qui a obtenu le Prix de la mise en scène lors du dernier Festival de Cannes dans la section "Un dernier regard", est un film de dispositif, comme l'étaient l'an dernier "Les filles d'Olfa" de Kaouather Ben Amia et "Little girl blue" de Mona Achache, nettement plus réussis et touchants. Ici, le choix, original au début, finit par lasser : nous sommes d'abord émus par la reconstitution du quartier populaire de Casablanca en carton-pâte avec ses figurines pour représenter les habitants, à laquelle s'attellent tous les membres de la famille de la réalisatrice. Il s'agit ici de montrer ce qu'on ne peut pas dire, puisque la grand-mère autoritaire impose le silence... mais, à force, les répétitions finissent par amoindrir l'émotion qui ne surgit que trop tard. Le dispositif se fait système. Pourtant l'épisode de la répression des émeutes du pain, le 20 juin 1981, par l'armée marocaine sous les ordres du Roi Hassan II mérite de sortir de l'oubli, comme les 600 morts entassés dans une fosse commune et exhumés en 2005. L'idée des effigies recréées et animées par chacun des personnages est stimulante, mais une idée si nécessaire et humble soit-elle ne suffit pas à réussir un film... Evénements nationaux et relations familiales s'entremêlent avec justesse grâce à une très belle photographie, spoiler: avec une fin magnifique et poignante , mais peut-être aurait-il fallu dynamiser davantage le montage, réduire la place de la voix off et raccourcir le récit pour gagner en tension. Le monde en miniature, très beau, finit par tout aplatir, malgré de puissantes séquences qu'il ne faut pas dévoiler, une douce nostalgie (la recherche des albums photos) et aussi une dose d'humour (Hawaï !) qui sauve l'ensemble de trop de pesanteurs.
Le seul intérêt de ce film est de rappeler un évènement marquant de l'histoire contemporaine du peuple marocain, à savoir la répression sanglante d'une révolte populaire. Par contre le procédé choisi, se servir de petites figurines évoluant dans la maquette d'un quartier rend certaines scènes longues et ennuyeuses.
Qui ne rêve pas de faire un film original sur les années de plomb? Tout le monde ou presque même si l'objet a passé visiblement l'âge depuis les auditions des victimes de ces années-là. Mais quand un réalisateur s'y aventure avec l'art et la manière sans avoir vécu cette période noire de notre Histoire contemporaine est une gageure supplémentaire. Asmae El Moudir a réussi là où beaucoup auraient trébuché. Planter un décor à huit- clos pour raconter une histoire sociale digne d'un quartier populaire à huit-clos est un défi supérieur à relever. Surtout que le narratif domine de par sa dramaturgie étouffante n'ayant que rarement de fenêtre d'oxygène pour s'y aérer. Les émeutes de juin 1981 à Casablanca peuvent ainsi traverser l'histoire racontée par Kadib Abiad (La mère de tous les mensonges) avec maestria et intelligence en se laissant berser par le parcours de personnages de la Grande Histoire que la réalisatrice a vu utile et inventif de les passer en plus par le moule des figurines qui se succèdent par un incroyable enchaînement qui oublie le documentaire pour rejoindre la fiction et la fiction pour rejoindre le documentaire. Ainsi Asmae El Moudir (Asmae The Director), la bien nommée, casse les frontières et jongle entre les files tissés par une mémoire où elle embarque les vraies personnes qui portent les stigmates et se passent le flambeau. Des témoins d'une phase cruciale d'un Maroc pas si vieux que ça, mais omniprésente dans le quotidien d'une famille aux membres à la fois taiseux, telle la grand-mère, véritable Dictateur soufflant le chaud et le froid sur son peuple, et ses sujets on ne peut plus prompts à parler, comme ses enfants, ses petits enfants et autres voisins. Et l'autrice et productrice de prendre de la distance et surtout de prôner un ton mi figue mi raisin ne cédant guère à la confrontation frontale. Elle y va sur la pointe des pieds pour ne froisser aucune partie et s'en sort comme une grande. Ce film est une grande leçon sur l'humilité de l'artiste face à une montagne de la taille de ce monstre qui sont ces années difficiles. Cette aventure extrêmement perilleuse mais rendue possible par un concept bien défini qui est de raconter sans s'immiscer dans ce qui ne nous regade pas, encore moins intervenir pour orienter les personnages-témoins, ou alors seulement techniquement pour les garder dans leur propre vie, fidèles à ce qu'ils traînent derrière. Et puis la leçon suprême donnée par la mise en scène est exemplaire. C'est-à-dire comment réussir à caser ce peuple réel, en chair et en os, dans un décor en carton-pâte sans enlever une miette à la sincérité du propos, et donner à ces figurines, et voilà le comble, une réalité à dimension humaine. Un grand moment de cinéma. Merci Asmae et vivement la suite!
l'ambition de retrouver une histoire si terrible que cachée par tous, passe ici par une mise en scène documentaire reconstituant minutieusement les lieux des drames comme moyens de restaurer les sensations refoulées.
Asmae El Moudir est née en 1990 au Maroc. Elle a grandi à Casablanca avant de faire des études de cinéma et de devenir documentariste. Elle a entrepris de reconstituer en miniature le quartier de son enfance, avec des figurines en argile fabriquées par son père et des costumes confectionnés par sa mère. La confrontation de sa famille à cette reconstitution est l’occasion d’exhumer des souvenirs enfouis.
"La Mère de tous les mensonges" documente une page méconnue de l’histoire marocaine contemporaine : les émeutes du pain du 20 juin 1981, violemment réprimées par les autorités qui en ont systématiquement effacé les traces. À cette occasion, une voisine de la famille d’Asmae a mystérieusement disparu.
Asmae El Moudir use d’un procédé original pour raconter une histoire à la fois intime et nationale. Elle aurait pu recourir, comme le font les documentaires classiques, à des images d’archives. Or, il n’en existe guère. Elle aurait pu, comme c’en est devenu la mode, tourner un film d’animation. Elle choisit un autre parti : la reconstitution en miniatures de son quartier, de sa maison, des membres de sa famille.
Elle choisit de réunir sur le plateau de tournage les principaux protagonistes et, au premier chef, sa grand-mère, dragon domestique et gardienne des secrets les mieux enfouis. Ce personnage est au centre du film. Son statut est ambigu : est-ce au fond une personnalité attachante, dont le comportement revêche s’explique par sa biographie ? ou est-elle authentiquement aussi vipérine qu’elle en a l’air ?
La question n’est pas vraiment tranchée. Ou du moins, je n’ai pas compris qu’elle l’ait été. Et c’est peut-être tant mieux ainsi, le personnage – et le film avec lui – gardant ainsi sa part de mystère. Pour autant, cette ambiguïté est plus dérangeante que stimulante. On sort du film en même temps séduit par l’audace de sa mise en scène, entre théâtre de marionnettes et catharsis familiale façon "Festen", et frustré d’une montagne qui accouche d’une souris, le motif de cette histoire se révélant tout compte fait bien pauvre.