Pobre Argentino
Le moins qu’on puisse dire c’est que les films du mois de juillet m’auront fait voyager. Après le Bouthan et l’Inde, voici l’Argentine avec la très bonne comédie politique de Benjamin Naishtat et Maria Alché. Professeur terne et introverti, Marcelo enseigne depuis des années la philosophie à l’Université de Buenos Aires. Un jour, se présente enfin l’occasion de briller : suite au décès de son mentor, il est pressenti pour reprendre sa chaire. Mais voilà que débarque d’Europe un autre candidat, séduisant et charismatique, bien décidé à lui-aussi briguer le poste. 110 minutes d’humour caustique mais pour mettre en scène le constat de l’état catastrophique du pays du nouvel autocrate à la mode Xavier Milei. Pobre Argentino
Comme dans tous les régimes autoritaires d’extrême-droite, la culture est traitée par le mépris. En l’occurrence, pour vous donner une idée, la ministre – la sinistre – de la culture argentine se vante de n’avoir jamais ouvert un bouquin ni vu un film. Une de ses 1ères mesures a consisté dans la suppression de L’INCAA – l’équivalent de notre CNC -. Inutile de vous dire que ce film a été réalisé dans des conditions impensables et avec un budget ridicule. Rien que pour ses raisons, allez le voir toute séance tenante. Comme en plus, c’est un bon moment… Ici, ce n’est pas la culture qui est attaquée mais le savoir en général et l’université en particulier. En version originale, le film s’appelle Puan, le nom donné à la rue où se trouve la Faculté de Philosophie et de Littérature de Buenos Aires. Mais c’est bien plus qu’un lieu, ou qu’un bâtiment. C’est une foule d’étudiants de toutes générations et de tous milieux sociaux qui se pressent dans les couloirs. C’est aussi une armée de professeurs qui gagnent à peine leur vie. L’intrigue est centrée sur un personnage qui s’est senti pris au piège toute sa vie. Il est coincé. Cependant, les événements le font basculer dans une sorte de brouillard et d’incertitude où il n’a d’autre choix que de revoir ses priorités... et enfin s’engager ! Dans les pas de cette espèce de Droopy sud-américain ont rit beaucoup mais souvent jaune. Drôle, original et d’utilité publique.
C’est le 1er grand rôle pour Marcelo Subiotto, une sorte de François Damiens local qui alterne avec une aisance étonnante les scènes de comédie pure, les moments de rêverie et d’autres totalement pathétiques. Ne manquez pas l’ultime scène qui, à elle seule, vaut de découvrir ce petit bijou. Face à lui, une véritable icône du cinéma argentin, le charismatique Leonardo Sbaraglia, Ajoutons en haut de l’affiche Julieta Zylberberg, Andrea Frigerio et Mara Bestelli. Portrait en creux d’une société rongée par le populisme et le néo-libéralisme le plus débridé. A vous flanquer le vertige !