Jouer avec le feu s'inspire du roman de Laurent Petitmangin Ce qu’il faut de nuit, publié pour la première fois en 2022. Delphine Coulin confie : "Le roman pose une question sur laquelle nous avions envie de travailler : l’amour est-il forcément inconditionnel ? Si tu commettais le pire, pourrais-je continuer à t’aimer ?"
Muriel Coulin ajoute : "Avant même de le lire, nous avions eu cette discussion, Delphine et moi. Et chacune de nous lui apportait une réponse différente. Où se situe - s’il y en a un - le point de non-retour ? Est-ce qu’aimer, ce n’est pas justement tout accepter, même le pire ?"
Dès la lecture du livre, Delphine et Muriel Coulin ont pensé à Vincent Lindon pour jouer Pierre : "Nous avons écrit le scénario en pensant à lui. C’est une figure paternelle. Il est engagé. Et sa carrure le rend totalement crédible en caténairiste. Il peut effectivement faire autorité, physiquement, sur quelqu’un comme Benjamin – sachant que ce n’est pas la force physique qui retient de lever la main sur un père", raconte Muriel Coulin.
Pour se documenter, Delphine et Muriel Coulin ont visionné beaucoup de documentaires, comme La Cravate d’Étienne Chaillou et Mathias Théry) et Carnets 88 de Sylvain Yonnet. Les réalisatrices précisent :
"Ces films nous ont intéressées car ils pointent le mécanisme de la dérive vers l’extrême droite. Nous avons aussi essayé de nous renseigner de visu, mais c’est difficile car on est tout de suite repérées. Dans les milieux ultras, on ne voit pas beaucoup de femmes."
Au début, Delphine et Muriel Coulin voulaient trouver deux vrais frères. Mais, lorsque les deux cinéastes ont appris que Benjamin Voisin et Stefan Crepon ont vécu en colocation, elles ont décidé de les rencontrer : "Ils sont très proches - et ce sont de grands acteurs, qui savent mêler ce qu’ils sont aux personnages, pour atteindre ce mélange de documentaire et de fiction que nous cherchons toujours."
Jouer avec le feu est centré sur trois hommes et les rares femmes du film sont des figures de pouvoir : "Nous nous sommes dits que les positions de pouvoir et de savoir seraient incarnées par des femmes : l’avocat du livre est joué par Maëlle Poésy, et le doyen de l’université par la véritable doyenne de la Sorbonne", confie Delphine Coulin.
Visuellement, Delphine et Muriel Coulin ont choisi de marquer de façon appuyée les contrastes, entre l’intérieur de la maison, dans la pénombre, et une lumière extérieure très crue : "Nous voulions travailler sur le clair-obscur, comme l’est la question de l’énigme de l’humain. Dans la maison, nous avons construit des claustras, et des points de lumière qui par contraste suggèrent des zones d’ombre, beaucoup de contre-jours."
"L’extérieur est comme une trouée de soleil. Pour Fus et Louis, le seul avenir possible est de quitter la maison. Louis part à Paris, à l’université. Fus lui aussi rêve d’un ailleurs, mais il doit se contenter de regarder les avions", explique la première.
Delphine et Muriel Coulin voulaient une musique à la fois rock et électro dans Jouer avec le feu : "Donc : Patti Smith, Soko, Thurston Moore, la musique brute de Cantenac Dagar, l’electro de Rone, et du Gabber, une électro de 160 à 220 bpm qu’écoutent des militants d’extrême droite. Le film est aussi le portrait d’une époque, il pourrait s’appeler « France 2024 ». Il est intemporel du point de vue des rapports père/fils mais aussi profondément contemporain, et il fallait que cela se reflète dans la musique", précisent les deux réalisatrices.