Au début des années 90, en banlieue parisienne, Mouna est élève en CM2 dans une école privée catholique. Sa mère Amel (Camélia Jordana) est une immigrée tunisienne qui vit mal son déclassement social. Son père Amor (Sofiane Zermani), immigré algérien, fait le dos rond. Quand leur propriétaire dénonce leur bail, Amel est face à un dilemme : déménager dans un HLM ? ou accepter le travail qu’elle avait jusqu’alors refusé pour augmenter les revenus du couple ?
Manele Labidi avait signé un premier film enthousiasmant, "Un divan à Tunis", avec l’excellente Golshifteh Farahani dans le rôle d’une psychiatre binationale qui décide de se réinstaller en Tunisie pour y exercer la profession qu’elle a apprise en France.
Quatre ans plus tard, la réalisatrice franco-tunisienne née à Paris en 1982, signe un film dont on imagine volontiers la part d’autobiographie qu’il comprend.
Camélia Jordana y interprète un rôle qui rappelle ceux, récemment remis au goût du jour par "Il reste encore demain", des mammas italiennes des grandes années : Anna Magnani, Sophia Loren… Solaire, forte en gueule, débordante d’amour pour ses enfants, elle est impériale. Elle aurait pu éclipser son époux, interprété avec beaucoup de délicatesse par Sofiane Zermani qu’on avait remarqué dans "Barbès, Little Algérie" et dans "La Vénus d’argent".
Mais le personnage principal du film reste Mouna, double autobiographique à peine masqué de la réalisatrice. C’est autour d’elle que l’histoire s’organise et c’est par ses yeux qu’elle est racontée. Pour soigner son mal-être identitaire, Mouna s’est inventé un ami imaginaire. Damien Bonnard s’est beaucoup amusé en se glissant dans le personnage de… Charles Martel, au risque de donner à ce film un tour loufoque qui le fait sortir de son lit.
Pas plus tard que mardi dernier, j’évoquais, dans ma critique de "Dans la cuisine des Nguyen", les films, nombreux, à raconter l’intégration, pas toujours facile, des enfants de la seconde génération d’immigrés maghrébins. Ce film-ci vient se rajouter à cette longue liste dans laquelle figurent déjà "Le Thé au harem d’Achimède", "Le Gone du Chaâba" ou "La Graine et le Mulet". Il n’y occupera pas une place inoubliable. Mais il n’en constitue pas moins un film attachant et plein de charme.