Mehdi Fikri est issu des quartiers populaires. Le réalisateur est né, a grandi et habite dans le 93. Il a été militant politique et observe la question des violences policières depuis toujours. Avant que les flammes ne s'éteignent est son premier long métrage, mais il a par le passé mis en scène deux courts et travaillé sur des séries comme Hippocrate.
"Le cinéma, c’est une deuxième vie pour moi car j’ai d’abord été journaliste pendant dix ans, après une école de journalisme. Pour L’Humanité, j’ai écrit sur les conflits sociaux et les luttes des quartiers populaires. Mon désir de parler de la culture politique telle qu’elle se transmet en banlieue vient aussi de là", confie-t-il.
Mehdi Fikri écrit sur ce qu'il connaît. Il précise : "Les films sur les cités sont souvent des tragédies, au sens antique du terme : avec des personnages impuissants qui finissent brisés par un environnement plus fort qu’eux. Avec ce film, j’ai voulu montrer le parcours d’émancipation d’une femme qui prend le contrôle de son environnement."
"Malika apprend à nommer le drame qui lui arrive, elle en fait quelque chose, et c’est ça la politique. Et pour répondre à votre question, non, je n’avais pas peur. La vraie difficulté était plutôt d’écrire sur une famille nombreuse, où chaque personnage doit avoir sa petite arche narrative."
Le tournage a duré six semaines dans la banlieue de Strasbourg, plus précisément au nord de la ville, à Schiltigheim. "Le film raconte une bataille et ça a été aussi une bataille de le mener à bien. Pour la scène finale, j’avais besoin d’une centaine de jeunes manifestant dans un tribunal de la République… ça ne s’est pas fait comme ça ! Mais j’ai adoré chaque minute de cette expérience", se souvient le réalisateur.
Mehdi Fikri a opté pour une mise en scène maîtrisée, comprenant plusieurs plans séquences et même un split screen : "J’ai l’impression que la représentation de la banlieue et des personnages racisés appelle un certain lyrisme de la mise en scène, quelque chose de flamboyant. J’avais envie de cela en tout cas. Quant au dispositif du plan-séquence, il m’intéressait aussi dans la mesure où il crée une tension entre immersion naturaliste et distanciation stylistique", raconte-t-il.
Lors du générique final, on découvre des images d'archives montrant les luttes contre les violences policières depuis les années 1990, avec de nombreuses familles de victimes. Mehdi Fikri justifie ce choix : "J’ai fait le choix de mettre en scène une famille fictive pour aller au fond des choses et parler des aspects sombres de mes personnages, sans crainte de heurter personne."
"Mais comme je me suis clairement inspiré de faits réels pour mon scénario, il était extrêmement important de rendre un hommage direct aux familles qui mènent ces combats. Et puis, j’adore les images d’archive ! Spike Lee l’a fait dans Blackkklansman ou Malcolm X. Les archives me bouleversent à chaque fois."
Sur le générique, il est écrit Sofiane Zermani et non Fianso, le nom de rappeur du comédien. Il explique : "Je dissocie le comédien du chanteur. Au cinéma, je ne suis pas Fianso, je suis simplement un acteur au service d’une histoire."
Samir Guesmi a récemment joué dans Nos frangins, qui revient sur les tragiques affaires Malik Oussekine et Abdel Benyahia, qui ont eu lieu en 1986. Le comédien explique : "Ce qui a changé en 40 ans, c’est la médiatisation, on est plus au courant de ce qu’il se passe. Mais quand on regarde l’actualité, on se rend compte que, régulièrement, cela continue. La seule chose que je puisse faire en tant qu’acteur, c’est de continuer à témoigner avec mes films. Je ne suis pas un homme politique, mais j’ai envie de croire que les films peuvent avoir un écho, éveiller ne serait-ce qu’une conscience…"
Camélia Jordana et Sofiane Zermani ne sont pas les seuls chanteurs au générique du film. Il y a également l'interprète de Karim, le petit frère assassiné, qui est lui aussi rappeur : "Et Sonia chante sublimement, mais ça, elle ne vous le dira jamais (rires). Fianso est maintenant un frère pour moi. Nous avions une confiance dingue entre nous, ce qui a permis un vrai lâché prise. Pour nos scènes communes, nous avons essayé plein de choses. En tant que musicien et musicienne, on se comprend, on se parle en musique."
"Sur une prise, je pouvais lui dire « essaie cette note-là pour voir ». Et ça marchait dans les deux sens, c’était très ludique. Depuis, nous avons même joué un couple dans le nouveau film de Manele Labidi, Reine mère", note Camélia Jordana.