Le film de Jacques Audiard, Emilia Pérez, n'en finit pas de récolter des prix outre-Atlantique. Dans la nuit de dimanche à lundi, le drame musical a récolté pas moins de quatre Golden Globes - dont celui du Meilleur film en langue étrangère et celui du Meilleur film musical ou comédie. Un succès qui confirme l'engouement qu'avait suscité le long métrage au Festival de Cannes où il avait été auréolé du Prix d'interprétation féminine pour les quatre actrices et le Prix du jury.
Si les critiques et une grande partie des spectateurs semblent conquis par Emilia Pérez, d'autres en revanche ne portent pas le film dans leur cœur. Mais pour quelles raisons exactement ? Tout d'abord, certaines voix s'élèvent contre la représentation, jugée discriminatoire, de la transidentité à l'écran. Pour rappel, l'histoire suit une cheffe de cartel mexicaine (Karla Sofía Gascón) qui refait sa vie après avoir transitionné avec l'aide d'une avocate (Zoé Saldana).
Emilia Pérez... un film transphobe ?
Le média LGBT+ Them publie, le 3 janvier dernier, une conversation entre trois critiques intitulée : "Emilia Pérez est un mauvais film, en réalité. Pourquoi les cérémonies de prix l’aime autant ?" Dans l'article, les trois critiques reconnaissent l'importance d'avoir choisi une actrice transgenre, Karla Sofía Gascón, pour le rôle - ce qui reste, malgré tout, assez rare.
Ils reprochent par la suite le traitement de la transidentité et son utilisation pour tromper les personnages - dans le film, Emilia change d'identité pour vivre une nouvelle vie sans révéler son passé. Une utilisation qui, selon eux, renforce les stéréotypes négatifs sur la transidentité. Dans leur conversation, les critiques créent comparent même le film à Mrs. Doubtfire.
Dans un article publié en novembre 2024, le site GLAAD - association qui lutte contre les discriminations LGBT+ dans les médias - écrit : "Emilia Pérez n'est pas une bonne représentation trans", affirmant qu'il s'agit là d'un "pas en arrière" et que les personnes transgenres sont dépeintes comme des "menteurs", "qui ne savent pas qui ils sont".
En mai 2024, à Cannes, AlloCiné rencontrait Karla Sofía Gascón à la suite de la première projection du film :
Sur X, la célèbre drag queen Katya Zamolodchikova publie même un post contre le réalisateur Jacques Audiard lors de la soirée des Golden Globes : "J'ai envie de jeter un grand bol de soupe froide au visage de ce Français." Le message est "aimé" par plus de 40 000 utilisateurs. D'autres posts publiés par de simples internautes s'inscrivent dans cette animosité.
Quelques médias queer, comme Pink News, viennent néanmoins défendre le film et rappelle à quel point son succès peut permettre à des actrices trans, comme Karla Sofía Gascón, d'exister et de briller dans une industrie qui laisse d'ordinaire aucune place aux personnes transgenres.
Une polémique, puis deux...
Une autre polémique vient également se greffer à celle-ci. La communauté mexicaine pointe du doigt le prix décerné pour le Meilleur film en langue étrangère, regrettant qu'Emilia Pérez est un film sur des mexicains tourné en France et qui ravive de nombreux stéréotypes - comme celui-ci de lier l'identité mexicaine aux activités de chefs de cartel.
L'acteur mexicain Mauricio Martinez poste, le 6 janvier, le message suivant :
"Quand les Mexicains vous disent qu'un film qui se déroule à Mexico, réalisé par un Français qui n'a jamais mis les pieds à Mexico et qui déclare qu'il n'a pas eu besoin de faire des recherches pour le film, dépeint les Mexicains avec de nombreux stéréotypes, de l'ignorance, un manque de respect et profite d'un des problèmes humains les plus importants dans le monde (les disparitions de masse)... peut-être... croyez les Mexicains ? Le fait que les acteurs ne parlent même pas espagnol est le dernier des problèmes."
Emilia Peréz, vu par plus d'un million de spectateurs français en salle, devrait rapporter gros à la prochaine cérémonie des Oscars, dont les nominations seront dévoilées le 17 janvier prochain.
