Laura Citarella fait partie d'un collectif argentin, El Pampero Cine, créé en 2002 et composé de trois autres membres : Mariano Llinás, Agustín Mendilaharzu et Alejo Moguillansky. Ensemble, ils ont produit plus de vingt films. Plus qu’une simple société de production, El Pampero se définit comme un groupe de personnes partageant le désir d’apporter de l’expérimentation et de l’innovation au système de production argentin. Il s’agit de révolutionner la façon dont les films sont fabriqués et comment ils sont vus, en développant son propre système de production, loin de l'approche industrielle des systèmes de financement conventionnels.
C'est ainsi que la réalisatrice qualifie Trenque Lauquen, qui appartient à un ensemble de films où le même personnage mène des vies différentes, dans diverses villes de la province de Buenos Aires. Le premier film de cette saga est Ostende (2011), son premier long-métrage. Le personnage de Laura y était déjà interprété par Laura Paredes. La réalisatrice explique : "Cette Laura traverse toute cette saga naissante comme une idée centrale : une sorte de Sherlock Holmes au féminin perdu dans les villes, avide d’aventures." Elle ajoute : "Trenque Lauquen est un chapitre de la saga de Laura, actrice et personnage que je voulais retrouver et déplacer dans un autre lieu."
La réalisatrice tenait à ce que la narration du film se disperse, à la façon des différents personnages : "Je voulais que le film soit toujours en mouvement et en évolution, qu’il ne se contente pas d’un genre en particulier ou que les personnages se comportent comme on s’y attendrait." Ce refus de la linéarité s'est retrouvé dans la fabrication même du film, comme l'explique le collectif El Pampero : "le schéma que nous avons découvert a complètement bouleversé l’idée traditionnelle qui consistait à réaliser – dans cet ordre – le développement, la préproduction, le tournage et, enfin, la postproduction du film. Suivant la nature mouvante de notre film, nous avons modifié cet ordre et nous nous sommes retrouvés à faire le montage, le tournage, la préproduction. Nous faisons confiance à l’idée d’un processus ouvert, à partir duquel nous allons et venons constamment. C’est pourquoi il s’agit d’un film mutant."
Le film tire son titre de la ville où il se déroule, Trenque Lauquen, à laquelle Laura Citarella est très attachée : "Je suis née à La Plata mais toute ma famille vivait à Trenque, c’est là que j’ai passé tous mes étés. J’ai toujours eu une relation idyllique et romantique avec cet endroit, plus qu’avec les villes où j’ai vécu adulte. Je suis profondément attachée à ce lieu car mes ancêtres italiens s’y sont installés au début du XXe siècle. La légende dit qu’ils ont marché 500 km, de Buenos Aires à Trenque."
Le tournage s'est étalé sur six ans. "On avait une structure de base, puis on tournait des scènes autour d’elle pour combler certaines omissions ou ajuster certains chapitres", raconte la réalisatrice.