L'Enlèvement est l’œuvre d'un très grand metteur en scène, capable du meilleur en scénario, découpage, photographie, direction d'acteurs, etc. Le film est donc d'une exceptionnelle maîtrise du premier au dernier plan. La restitution des villes italiennes du XIXe siècle est très réussie (décor, costume, etc.) et le récit nous apprend beaucoup sur l'Église, l'Italie en pleine unification, les communautés juives en Europe, etc. La grande force du film est de pointer l'arbitraire des rites religieux. Bellocchio montre avec respect les pratiques de cette famille juive (prière du soir, prière du repas, shabbat, etc.). Et il se moque souvent des rituels catholiques (escalier monté sur les genoux, etc.). Mais dans les deux cas, il semble aussi en signifier la vacuité, mettant au premier plan la réalité des êtres, de leurs relations, de leurs sentiments, indépendamment de ce qu'impose la religion. En tout cela, L'enlèvement mérite son succès critique et sa fréquentation en salle. Le seul hic me semble être le caractère trop manichéen du récit. Vincere, le chef-d’œuvre indépassable de Bellocchio, montrait une construction scénaristique et une mise en scène encore plus ambitieuse et réussie. Et surtout, il évitait tout manichéisme. Tous les personnages y sont d'une extrême complexité, sans jamais tomber dans la simplification. Avec l'Enlèvement, c'est l'inverse. La situation de départ, qui se prolonge pendant 1h30 environ, est très simple et terriblement manichéenne. La méchante Église enlève le gentil enfant d'une gentille famille. Ce n'est que plus tard que la complexité arrive,
dès lors que cet enfant, devenu un adorateur du pape, est tiraillé par des contradictions internes, brutalisant son idole en des coups de folie stupéfiants, avec pour aboutissement la superbe fin, qui, elle, est vraiment à des années lumière de tout manichéisme.