En juin 1858, dans les États pontificaux, le jeune Edgardo Mortaro est soustrait à la garde de ses parents par les soldats du Pape au motif qu’il aurait été secrètement baptisé et doit recevoir une éducation catholique. Le rapt provoque une campagne internationale de soutien à ses parents, des riches marchands israélites bolognais, qui exigent sa libération.
Mais le pape Pie IX, dont l’autorité vacille sous les coups du Risorgimento, refuse de relâcher l’enfant.
J’évoquais, dans ma récente critique de "Killers of the Flower Moon" l’étonnante créativité de plusieurs réalisateurs octogénaires au sommet de leur art qui continuent, avec une insolente jeunesse, à tourner des films exceptionnels. J’ai eu le tort d’oublier Marco Bellocchio, quatre-vingt-trois ans au compteur, qui, depuis plus de cinquante ans, domine le cinéma italien : "Les Poings dans les poches", "Buongiorno, Notte", "Vincere", "Le Traître"…
Son dernier film en date – avec toujours la crainte qu’à son âge il s’agisse effectivement du dernier – témoigne d’une étonnante maîtrise. Il appelle selon moi les mêmes éloges respectueux que le dernier Scorsese. Tout y est parfait, du scénario, de la mise en scène, de la direction d’acteurs et de la musique. Avec le défaut parfois des films trop parfaits qui n’ont pas ce je-ne-sais-quoi, ce petit-rien qui nous les rendraient attachants.
"L’Enlèvement" raconte une page édifiante de l’histoire de l’Italie. Il campe avec le personnage de Pie IX, bouffi d’orgueil, un portrait édifiant de la papauté vacillante, sur le point d’entrer dans une des périodes les plus sombres de son histoire. Mais, comme savent l’être les grands films, "L’Enlèvement" raconte aussi un drame intime, celui de deux parents brutalement séparés de leur enfant. Chacun des deux réagit à sa façon à la douleur bestiale que cet arrachement provoque :
la mère se mure dans une rage silencieuse, le père se projette dans un activisme débordant au risque de nuire à la cause de son fils.
Mais le plus intéressant est Edgardo lui-même. Sera-t-il fidèle à l’amour de ses parents et à sa foi, comme le spectateur l’espère secrètement ? Ou, du fait de son jeune âge, se laissera-t-il influencer par ses nouveaux tuteurs qui portent à son éducation à la foi catholique à Rome un soin minutieux ?
"L’Enlèvement" m’a fait penser à un opéra italien. Il en a la grandeur, l’énergie, la noire beauté. Sa musique, je l’ai trop vite évoquée, est majestueuse. Son final m’a cloué.