Les temps changent et c’est tant mieux! On s’explique. Il fut un temps pas si lointain où les studios refourguaient leurs films, même de très gros, aux plateformes de streaming pour des sommes mirobolantes car les salles périclitaient et leur avenir devenait incertain. Et bien « Air » est peut-être l’un des premiers spécimens qui montre que cette période trouble, folle et kafkaïenne est révolue. En effet, le film devait sortir uniquement sur Prime Vidéo et s’est finalement vu gratifier d’une sortie en salles suite à la reprise qui s’intensifie depuis le début de l’année. Et pas seulement sur quelques salles pour concourir à de potentielles cérémonies de récompenses, non, en sortie large et nationale! Le cinéma est vivant et reprend donc une belle bouffée d’air frais (pour le jeu de mot facile). Maintenant, avouons que le nouveau film de Ben Affleck est loin d’être son meilleur, c’est même peut-être le moins bon des cinq après les magistraux « Gone Baby, gone », « The Town », « Argo » et « Live by Night » mais cela reste du cinéma qualitatif et intelligent.
Le problème principal de « Air » réside peut-être dans le fait de sa conception et de son origine même. Est-ce que l’histoire qui voit Nike réussir à avoir Michael Jordan pour représenter ses chaussures de basket était assez incroyable, intéressante et cinématographiquement touffue pour mériter un film? Comme on dit : la réponse est dans la question. On a plutôt affaire à une leçon de marketing à l’ancienne, old school, étirée sur un long-métrage avec un beau casting et une excellente reconstitution des années 80. D’ailleurs c’est l’un des bons points du long-métrage : on sent vraiment l’ambiance de cette époque à travers une foultitude de petits détails sans que ce soit voyant et opulent. C’est fait avec finesse, de la bande-son à des accessoires dans le détail ou la patine vintage de l’image. Et les acteurs qu’Affleck a su réunir sont tous royaux, lui-même compris et quoiqu’on en dise, même si on retiendra beaucoup les compositions de la toujours excellente Viola Davis et de Chris Messina, excellent en agent azimuté.
Cependant, sur près de deux heures on doit se farcir des tunnels de dialogue pas toujours très captivants. N’est pas Aaron Sorkin qui veut. Et si on n’est pas étudiant en marketing ou en communication, c’est parfois, non pas nébuleux, mais juste pas vraiment palpitant. On a droit à quelques monologues mais surtout des échanges un tantinet trop techniques entre les personnages qui s’étirent plus que de raison et ne seront pas forcément intéressants pour toutes les strates du public. Et puis Affleck rate quelques séquences pivot comme celle de la rencontre. On aurait aimé que ce soit la cerise sur le gâteau de « Air » mais elle manque de tension, de surprise et de panache. On préfèrera celle, plus intime, où on voit Matt Damon aller envers et contre les avis de tous et se déplacer chez les Jordan pour les convaincre. En somme c’est du beau travail mais cela ne méritait pas forcément un film. Ou, en tout cas, un film fait de la sorte au point qu’on pense que le format documentaire eut été peut-être plus adapté.
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