Intuitivement, si je n’avais pas pris la peine de me renseigner, j’aurais pu croire qu’il s’agissait d’un film de l’Autrichien Ulrich Seidl, le plus misanthrope des cinéastes.. Reste que Kristoffer Borgli n’aime visiblement pas beaucoup les gens non plus. Signe vit dans l’ombre de son compagnon Thomas, artiste narcissique et bouffi d’égo qui vole des meubles pour en faire des œuvres d’art. Frustrée, elle tente tant bien que mal d’attirer l’attention sur elle mais sans succès…jusqu’au jour où elle découvre un médicament russe dont la consommation abusive cause d’horribles lésions cutanées. Elle décide donc consciemment de le surdoser et, faute de pouvoir obtenir la compassion de Thomas, de mettre son visage défiguré en scène sur les réseaux sociaux. ‘Sick of myself’ est le genre de film qu’on regarde fixement, un peu incrédule et totalement mal à l’aise, parce qu’il s’agit de son unique objectif : tendre un miroir à peine déformant au spectateur, en tant que représentant de la société dans lequel il vit, et lui répéter à quel point il est moche. Tyrannie des réseaux sociaux, obsession de la popularité, solitude égocentrique, superficialité de l’art et médiocrité du crédo esthétique bourgeois, inversion des valeurs érigée au rang de démarche, mercantilisation cynique du handicap,...tout le monde en prend pour son grade. Les personnages sont immondes, presque sans exception, et je ne parle pas uniquement de tares physiques. ‘Sick of myself’ est un film sombre, déprimant, avec cette absence de mesure dans la négativité qui est propre aux Scandinaves. On ne peut même pas le rembarrer en prétextant qu’il s’agit d’une caricature grossière car on sait confusément que si Kristoffer Borgli force le trait, ce n’est pas de beaucoup. Vous aimez gratter vos croûtes, ressasser et ressasser encore l’idée selon laquelle le monde est horrible et sans espoir ? Faites une petite pause, vous l’avez bien mérité : pendant une heure trente, ‘Sick of myself’ va les gratter à votre place.