C’est peu dire que cette production scandinave passée par Cannes l’an passé est un sacré condensé d’humour noir qui va loin et ose tout. Et qui se moque de manière jubilatoire des travers d’une certaine partie de la société. On n’avait pas ri jaune de la sorte depuis très longtemps. Depuis une autre œuvre passée par le plus grand festival de cinéma du monde mais sortie avant alors qu’elle a été présentée l’an dernier également. Une œuvre qui a aussi été mise en scène par un cinéaste scandinave, d’ailleurs récipiendaire de la récompense suprême. Il s’agit bien sûr de « Sans filtre » de Ruben Östlund, un film qui a fait le tour du monde grâce à cette Palme d’or et qui a dû faire de l’ombre à ce « Sick of myself », pourtant presque aussi qualitatif. En effet, la tonalité est la même et la critique sociétale vise presque les mêmes catégories de personnes. Ici, ce sont davantage les artistes comme dans « The Square » qu’on écorne, la précédente Palme d’or d’Östlund, et comme dans le premier segment de « Sans filtre », mais aussi et surtout les personnes en manque de reconnaissance en général, ces fameux Narcisse modernes. On retrouve pareillement ce côté typiquement scandinave et cette façon de faire rire à froid, peut-être de manière moins maîtrisée et surtout moins ambitieuse mais en revanche plus pop, plus concise et plus humble. Le film du norvégien Kristoffer Borgli, passé lui par Un Certain Regard, a donc la malchance de passer après l’œuvre multi-primée de son confrère suédois. Passée inaperçue, elle n’en demeure pas moins aussi drôle et corrosive même si moins définitive.
Mais que serait « Sick of myself » sans l’incroyable prestation de sa comédienne principale. Kristine Kujath Thorp, se glisse dans la peau d’un personnage vraiment pas facile et surtout très casse-gueule (dans tous les sens du terme!). Dans le rôle d’une jeune femme à la vie sociale et professionnelle un peu ratée, jalouse de son artiste de compagnon qui attire toute l’attention et qui va trouver tous les moyens pour se tirer la couverture à elle, elle est incroyable. Épatante. On n’en dira pas plus sur sa transformation physique pour ne pas gâcher la surprise mais cela va très loin et nous fait jubiler. Après il faut avouer que c’est un peu poussif, que les traits du personnage et ses actions sont presque improbables et grossières. Néanmoins, l’actrice rend cela acceptable et le long-métrage parvient à nous montrer les dérives de ce besoin de reconnaissance narcissique propre à nos sociétés occidentales et modernes de manière probante. Si le film dérive presque dans le body horror vers la fin c’est bien négocié et cohérent avec l’engrenage de folie dans lequel se place Signe. Quant à l’humour noir, il est servi sur un plateau royal. On rit certes, tellement c’est énorme, mais nos rires sont presque empreints de malaise face à ce qui se passe devant nous, presque intimement persuadé que cela pourrait au final arriver à quelqu’un. « Sick of myself » n’a peur de rien et va au fond de son sujet mais c’est grâce aux moments fantasmés par Signe, dans sa course à la célébrité, que l’on rit le plus. La séquence de l’enterrement vaut d’ailleurs son pesant de cacahuètes. Un petit film corrosif, à l’humour qui tache mais qui prend bien le pouls de notre époque et ne lésine devant rien pour nous le faire comprendre. Le petit cousin éloigné et mal élevé du fameux Östlund en somme.
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