Kimi est décédé dans la nuit du 4 novembre 2016. Il n’était pas seulement l'amant et le mari de Marusya Syroechkovskaya, mais aussi son meilleur ami. La réalisatrice se rappelle : "Mais il abandonnait son avenir, ses rêves, son apparence même... Il s’enfonçait de plus en plus dans l’autodestruction, et c’était difficile pour moi de voir comment la personne que j’aimais tant était en train de s’auto détruire. Il n’acceptait aucune aide de qui que ce soit, il était impossible de lui faire comprendre, et la seule chose que je pouvais faire était d’être avec lui. Comment garder quelqu’un qui fait tout pour disparaître ?"
"Je voulais être là pour lui, mais toute cette situation me faisait aussi beaucoup de mal. Puis ma caméra m’a apporté la distance dont j’avais besoin, tout semblait irréel. Peut-être que filmer est devenu pour moi ce que la drogue est devenue pour Kimi - une évasion de la réalité, de tout ce qui n’a pas fonctionné pour nous."
S'étalant sur 12 ans, How To Save A Dead Friend n'était pas destiné à devenir un film au lors de son tournage. L’idée, pour Marusya Syroechkovskaya, était de donner l’impression de grandir dans les années 2000, de plonger dans des journées d’été ensoleillées et dans un kaléidoscope de formats, de visuels et de sons venant de toutes les directions :
"Au fil du temps, alors que nous assistons à une série de discours de Nouvel An similaires de la part des présidents, les jours sombres de l’hiver s’installent, isolant les gens les uns des autres dans leurs appartements. Notre monde extérieur, autrefois si séduisant, devient de plus en plus violent, avec une musique inaudible et moins d’amis."
Les couleurs s’atténuent, moins saturées, les coupures s’allongent. Et Kimi disparaît peu à peu dans l’obscurité. Quand vous perdez un proche, quelqu’un qui vous connaissait bien, une partie de votre histoire disparaît avec lui. Il ne reste plus qu’à ramasser les souvenirs restants avant qu'ils ne deviennent de la poussière numérique", confie la cinéaste.
Le film est présenté à l'ACID au Festival de Cannes 2022.
Le 24 février 2022, Poutine et son gouvernement ont étendu leur guerre contre l’Ukraine. Marusya Syroechkovskaya a fui temporairement Moscou alors que la répression des voix de l’opposition à l’intérieur de la Russie s’intensifiait. Elle se souvient : "Honnêtement, j’ai eu peur pour mon bien-être au vu de l’instauration d’une nouvelle loi contre les « fake news » (le simple fait de qualifier la guerre en Ukraine de « guerre » ou d’exprimer son désaccord est désormais passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 15 ans de prison) des arrestations des passages à tabac et des tortures, de la police qui vient vous chercher chez vous, des personnes opposées à la guerre qui trouvent un « Z » graffité sur leur porte..."
"Il existe un site Internet créé par le soi-disant Comité pour la protection des intérêts nationaux, qui contient une liste constamment mise à jour de « traîtres, ennemis, lâches et fugitifs », dont la société doit se purifier selon Poutine : 'Tout peuple, et à plus forte raison le peuple russe, sera toujours capable de distinguer les vrais patriotes de la racaille et des traîtres et de les recracher tout simplement, comme un moucheron avalé accidentellement'."
Marusya Syroechkovskaya est une cinéaste et une artiste plasticienne originaire de Moscou, née en Russie en 1989. Elle a étudié la réalisation à l’École du film documentaire de Moscou sous la direction du professeur Marina Razbezhkina et a obtenu une maîtrise en réalisation cinématographique à l'institut d'art contemporain de Moscou (avec mention).
Son court métrage étudiant, Exploration of Confinement, a reçu le prix du jury au festival du film de la Nouvelle-Orléans de 2013 et s’est qualifié pour les Oscars de la même année. Il a également été sélectionné pour le 35e Festival international du film de Moscou, le Message to Man International Film Festival 2013 ou le Tenerife Shorts Film Festival 2014.
Son premier long métrage, How to Save a Dead Friend, a été projeté dans plus de 60 festivals et a reçu plus de 20 prix.