Cédric Kahn voulait depuis longtemps consacrer un film au milieu du cinéma : "j’y observe des choses, des situations un peu folles qui se produisent au nom de la création. Ça a d’ailleurs commencé très tôt, dès que j’étais stagiaire. Et ce que je pensais quand j’avais 20 ans, je le pense toujours : ce sont toujours les mêmes choses qui me heurtent et qui m’émerveillent."
Cependant, il tient à nuancer : il ne s'agit pas d'un film sur le cinéma en tant qu’objet d’art ou de fantasme mais sur le cinéma en tant que travail. "Cette distinction est très importante pour moi. Et beaucoup de choses que je raconte dans ce film pourraient sûrement se transposer ailleurs. Le cinéma est un microcosme social comme un autre et les rapports de classe qui s’y exercent, y sont similaires."
Si l'on pense facilement à des films comme Les Ensorcelés, La Nuit américaine et Mulholland Drive, qui évoquent l'industrie du cinéma, Cédric Kahn avait pour référence Ça Tourne à Manhattan de Tom DiCillo pour son ironie, et le cinéma politique de Nanni Moretti.
Le réalisateur explique : "Ce qui m’intéressait, c’était d’entrer dans le cinéma par un angle politique et social, et pas du tout mythologique. La mythologie du cinéma ne m’intéresse pas, la sociologie des tournages, oui. Je voulais montrer les rapports un peu délirants qui peuvent se nouer autour d’un tournage, la pâte humaine."
Le film dresse un parallèle entre les ouvriers en grève et l’équipe qui menace d’arrêter le tournage. C'étaient cette situation et cette tension, qu'il a lui-même vécues, que Cédric Kahn voulait montrer : "Ce vertige-là... Quand on est pris en tenaille entre ses ambitions et ses principes, ça nous est tous arrivé. Un collègue cinéaste m’a dit « ton film, ce n’est pas une comédie, c’est un film d’horreur ! ». Les financiers qui retirent leur argent, les distributeurs qui veulent te faire changer la fin de ton scénario, la star qui prend le pouvoir, les techniciens qui se mettent en grève, ta femme qui te quitte... Tout réunit en seul tournage."
Pour autant, il a tenu à ne pas être manichéen et à ne pas montrer les producteurs et les financiers comme les méchants de l'histoire : "Dans le fond, tout le monde a raison. C’est ce genre de contradictions qui est intéressant à montrer."
Cédric Kahn avait déjà dirigé Stefan Crepon dans La Prière dans un petit rôle. Il s'était fait la promesse de lui donner un jour un grand rôle. Le comédien joue le stagiaire, réalisateur du making-of : "Il joue le candide, et son point de vue est celui du film. Il est tout en bas de l’échelle et va regarder ce monde du cinéma avec des yeux un peu ahuris. Et franchement, Stefan est parfait : profond, habité, gracieux."
Cédric Kahn a coécrit le film avec Fanny Burdino et Samuel Doux. Il voulait construire un récit en trois grands actes englobant tous les niveaux de récit, sans scènes ni avant ni après le tournage. "Aucun folklore, au ras du travail. Le premier jour de tournage, le milieu du tournage et le dernier jour. Idem pour les ouvriers et le film dans le film : l’occupation de l’usine, le siège de l’usine avec tous les problèmes afférents et la fin de l’occupation avec l’expulsion des lieux. Tout devait rentrer dans ces trois temps, c’était le concept : simple sur le papier mais, en fait, assez compliqué à faire tenir. Ça nous a pris beaucoup de temps pour construire ce puzzle."
Réalisateur, Cédric Kahn mène en parallèle une carrière d'acteur. On a pu le voir dans L'Économie du couple, Cold War et Novembre. Il dirige dans Making Of d'autres acteurs-réalisateurs : Emmanuelle Bercot, Xavier Beauvois et Valérie Donzelli. "Pour moi, il et elles sont comme des frères et sœurs de cinéma. Je m’entends très bien avec les trois, la communication était très fluide, presque inutile, tant ils savaient exactement de quoi je voulais parler dans ce film".