À l'origine de Coma, il y a un court-métrage réalisé pendant le premier confinement au printemps 2020, sous l'impulsion de la Fondation Prada. Le thème de cette commande était : comment faire un film sans tourner ? "Ce qui appelait évidemment à une réflexion sur l’archive, qui était passionnante mais vertigineuse, en terme de possibilités. J’ai eu l’idée d’y répondre sous la forme d’une lettre adressée à ma fille Anna, âgée de 18 ans, et adressée au-delà d’elle à la jeunesse contemporaine", explique Bertrand Bonello. Les retours positifs à ce court lui ont donné envie de prolonger l'expérience. C'est ainsi que ce court, La Première lettre à ma fille, est devenu le prologue de Coma.
Coma a été réalisé dans des conditions très modestes, sans passer par le circuit habituel des commissions. Bertrand Bonello a dès le début envisagé ce projet de façon très libre et a imaginé plusieurs dispositifs légers qui correspondaient à cette économie de moyens : une chaîne YouTube, des poupées animées en 3D, un dessin animé, un Zoom, des FaceTime, des scènes tournées en mini DV, des images internet... Le film a essentiellement été fait chez lui, au début du printemps 2021. Le scénario a été écrit en janvier, la préparation s’est faite en février et mars, et le tournage en avril durant 12 jours d’affilée. Le premier montage a pris trois semaines puis l'animation a nécessité trois mois de travail, avant le montage final.
Bertrand Bonello retrouve Louise Labèque, qu'il avait déjà dirigée dans Zombi Child. Il la considère un peu comme sa fille de cinéma, d'autant qu'elle a le même âge que sa propre fille : "Louise est une actrice magnétique. Sa peau possède une luminosité dont j’ai été frappé à chaque vision des rushes. J’aime aussi son regard, par exemple quand elle contemple les poupées dans sa chambre, alors même qu’au tournage il n’y avait bien sûr ni voix ni animation. Elle fait passer beaucoup de choses, de sentiments, avec une grande économie."
L’idée d’entrer dans la tête d'une jeune fille vient d'une phrase de Gilles Deleuze lors d'une célèbre conférence qu’il a donnée à la Fémis, en 1987, intitulée Qu’est-ce que l’acte de création ? Il avait dit à propos du cinéma de Vincente Minnelli qu’il n’y a rien de plus dangereux que d’entrer dans le rêve de l’autre, surtout si c’est une jeune fille. Bertrand Bonello raconte : "Cette phrase a été un de mes points de départ. Elle m’a libérée. J’ai eu envie qu’elle soit dans le film. Mais surtout, j’ai eu envie de désobéir à Deleuze en faisant justement un film qui entre dans le rêve d’une jeune fille."
Le personnage de youtubeuse devait être à l'origine une présentatrice météo apocalyptique. "Je ne suis pas expert de YouTube ni des réseaux sociaux. J’ai donc beaucoup imaginé. Et je me suis beaucoup amusé avec Patricia. Je me suis beaucoup servi d’elle pour dire des choses sur l’état du monde à la fois très directes, voire carrément cyniques, et en même temps tordues par un recours à l’absurde", explique Bertrand Bonello.
Les poupées ont des voix reconnaissables puisqu'elles sont doublées par des acteurs célèbres. Bertrand Bonello voulait que ces objets en plastique aient une identité dans la tête des spectateurs. Ainsi, le réalisateur a fait appel à Laetitia Casta, Gaspard Ulliel, Anaïs Demoustier, Vincent Lacoste et Louis Garrel. Les cinq acteurs sont venus chez le réalisateur le temps d'une matinée : "Au-delà du côté très ludique de tout ça, je leur ai demandé de tout jouer avec un premier degré qui a permis une émotion très simple dans les scènes. Et un effet comique."
La séance de Zoom, dans laquelle l'héroïne discute avec ses copines, s’est tournée dans les conditions réelles. Chacune des actrices était chez elle devant son ordinateur, tout juste accompagnée d’un assistant, en cas de difficulté technique. Le réalisateur révèle : "Il a suffi que j’enregistre tout : il s’agit en somme d’un plan-séquence à sept caméras, puisqu’on filmait aussi Louise devant son ordinateur ! Et pour cette scène, comme pour toutes les autres, tout était écrit : le film final est très fidèle au scénario."