Un film manqué, comme on dit une occasion manquée. L'occasion de mettre en lumière un art -l'estampe- et un artiste fascinants. Mais, à part à ceux qui connaissent déjà très bien Hokusai et son oeuvre, que restera t-il de cette.... bouillie pour les chats? Quelques paysages sublimes; l'élégant tracé du pinceau chargé d'encre de chine sur le blanc de la feuille... Et puis, l'idée d'un créateur caractériel, mais (à part Rubens...) les créateurs géniaux ne sont ils pas tous caractériels?
La version projetée en France a été fortement amputée, par rapport à la version originale (bravo les distributeurs). Cela peut expliquer en partie les incohérences du film.
Tout d'abord, nous faisons la connaissance du jeune Hokusai (Yûga Yagira), employé chez un peintre d'estampes spécialisé dans les portraits d'acteurs de kabuki. Il a un caractère de cochon: dès qu'on le contredit, il s'en va. Il a donc des relations difficiles avec ses maîtres ou avec les écrivains avec qui il collabore (une part de la feuille est consacrée à la calligraphie, l'autre au dessin mais notre héros a tendance à déborder...); il se marie, il a une fille, et puis, splash, nous voilà bombardés sans préparation trente ans plus tard ,lorsqu'il est à son tour entouré d'élèves.
Entre temps, on sait qu'il est devenu une grande vedette -enfin le spectateur novice ne le sait pas forcément.... Alors qu'Hokusai est censé avoir une soixantaine d'années, l'acteur qui l'interprète (Min Tanaka) a l'air d'être centenaire. Une incohérence de plus...
Le film fait référence, par moments, au climat politique qui règne à Edo en ces temps de shogounat finissant -il allait bientôt laisser la place, à la satisfaction générale, à commencer par celle de l'empereur... mais il n'en dit pas assez, du moins pour le spectateur occidental!
Pour en revenir à la première partie du film, il commence par le saccage de la boutique de l'éditeur Juzaburô Tsutaya (Hiroshi Abe) par les forces du pouvoir politique. Un peu plus tard, alors que les peintres sont réunis pour écouter une lecture, arrive la nouvelle: Utamaro a été arrêté! Oui, on sait qu'Utamaro Kitagawa (Hiroshi Tamaki), ami par ailleurs de Tsutaya, a fait de la prison -à condition de savoir qui était Utamaro, naturellement. Mais pourquoi le pouvoir s'acharnait il sur les peintres et éditeurs d'ukiyo-e? Pour des raisons politiques? Parce qu'ils étaient suspects de s'opposer à la dictature shogunale? Ou juste parce que le charmant Utamaro peignait des cochonzetés??
Repassons à la deuxième moitié du récit. Il nous montre le précocement vieillard partir en boitant, s'appuyant sur le morceau de bois qui lui sert de canne pour ce périple d'où il devait ramener les sublimes 36 vues du mont Fuji. C'est poétique, c'est romantique, ça ajoute à l'aura si particulière du personnage mais est ce plausible? A mon avis, comme tous ces voyageurs croqués par Hiroshige ou Hokusai lui même, il devait voyager à cheval, recouvert d'une bonne pélerine, et accompagné par un serviteur ou un élève...
Un autre personnage hautement romanesque apparait dans cette seconde partie, l'écrivain Tanahiko Ryutei (Eita Nagayama), ami et intime d'Hokusai. Samouraï, donc déshonoré (et déshonorant sa famille) par l'exercice de ce vil métier d'artiste, mais déchiré, mais refusant d'y renoncer, il aurait été exécuté par ses pairs. Intriguée, j'ai été fouiller: Ryutei n'appartenait pas à un grande famille et par conséquent les samouraïs avaient peu de raison de s'intéresser à sa personne.... Alors, en plus d'être confus, Hashimoto aurait-il "arrangé" l'histoire?
Bref, hélas, et combien j'en suis marrie! vraiment pas recommandable. Il y a quand même quelques très belles vues qui font rêver...