Léon suit son ami Félix dans une maison de villégiature familiale au bord de la mer Baltique en lisière de forêt. L’endroit isolé semble idéal pour achever l’écriture de son second roman. Félix plus nonchalant doit lui élaborer un travail pour l’entrée en école d’arts. Arrivé sur les lieux, Léon déchante, la maison est déjà occupée par la nièce d’une collègue de la maman de Félix. L’improbable trio bientôt va encore s’agrandir avec la présence du maître-nageur de la plage la plus proche.
Les plaisirs du bord de mer, le soleil, les soirées d’été, créaient un genre de cinéma appelé le film d’été. En France il est souvent associé à l’éducation sentimentale et sexuelle, du passage des jeunes gens à la vie adulte. On se souvient de « Pauline à la plage » d’Eric Rohmer. IL y a deux ans, Bergman Island de Mia Hansen-Løve mettait en scène la difficulté d’écrire d’un couple de cinéastes sur la sublime île de Fårö. Il y a dans « Le ciel rouge » ce même parfum d’un film un peu rohmerien qui se construit des petits riens qui font la vie de la communauté, et dont l’intrigue avance par petite touche. La présence de la forêt isole telle une frontière du reste du monde, mais aussi comme un territoire dangereux. Tous les sentiers se ressemblent pour facilement si perdre dès les premières images. Léon semble prisonnier de la forêt, on pense alors au Horla de Guy de Maupassant. Un craquement de brindilles et les angoisses montent et font palpiter le cœur. A l’heure du changement climatique, les forêts brûlent dans divers endroits du monde, en Suède, au Canada, en Sibérie, en Grèce, les hommes peinent à éteindre les grands incendies. Cette menace pèse sur le petit groupe insouciant, du fait du ciel qui rougeoie sous l’influence du feu à quelques kilomètres à la ronde.
L’intrigue réside autour du personnage de Léon qui ne trouve sa place nulle part, ni dans la maison où son sommeil lui échappe du fait des bruits d’alcôve de cette co-locataire non désirée, ni dans le groupe qui se constitue malgré lui et s’amuse. Dans sa morgue, il se ment à lui-même et tente de se convaincre qu’il est cet écrivain d’un second roman, quand il peine devant un livre auquel lui-même ne semble plus croire. En spectateur indélicat de cette petite communauté qu’il ne parvient à intégrer, il s’éprend d’amour pour Nadja, tout en s’excluant lui-même tout seul du groupe. Il est fermé au monde, à la rencontre et à légèreté, qui lui permettrait de vivre, mais peut-être surtout d’écrire. C’est cette difficulté d’être au monde que Christian Petzold semble nous montrer avec ce personnage de mauvaise compagnie, qui fait l’expérience de la difficulté d’écrire parallèlement à celle de sa solitude aux autres.
Le Ciel Rouge, nous laisse un parfum de vie délicat bien que la menace qui ourdie soit omniprésente, avant que ne frappe le drame. Avec Christian Petzold, nul doute que le film d’été a définitivement changé, et perdu de son insouciance derrière l’apprentissage que Léon va devoir faire. Après Nina Hoss, le cinéaste allemand semble avec Paula Beer avoir trouvé la nouvelle muse de son cinéma, une constante, les deux sont captivantes à l’écran pour incarner les personnages féminins dans ses films.