Incandescent
Depuis 2012 et son excellent Barbara, l’allemand Christian Petzold nous enchante avec chacun de ses films – Phoenix, Transit, Ondine, -. Et il récidive avec ce huis clos dramatique d’une rare subtilité. Une petite maison de vacances au bord de la mer Baltique. Les journées sont chaudes et il n'a pas plu depuis des semaines. Quatre jeunes gens se réunissent, des amis anciens et nouveaux. Les forêts desséchées qui les entourent commencent à s'enflammer, tout comme leurs émotions. Le bonheur, la luxure et l'amour, mais aussi les jalousies, les rancœurs et les tensions. Pendant ce temps, les forêts brûlent. Et très vite, les flammes sont là. Ours d’Argent à Berlin… une pépite venue d’Outre-Rhin.
L’idée est venue à Petzold durant le confinement de 2020. Une des questions centrales posée par le scénario reste : comment devenir quelqu‘un dans une situation exceptionnelle de vacances, où l’on ne contrôle rien, ou presque ? Ici, c’est sans doute le dernier été avant l’âge adulte, ou tout simplement le dernier été tout court, car le monde brûle. Le film d’été est devenu une sorte de genre à part entière. Dans le cinéma américain, cela donne souvent des films d‘horreur, dans le cinéma français, des sortes de parcours initiatique et d‘'éducation sentimentale. Le tempérament allemand est différent et celui-ci se situe dans la tradition du rêve romantique, la forêt, le demi-sommeil, la musique, deux jeunes hommes qui roulent en voiture et se perdent, jusqu’à cette maison isolée au milieu d’une clairière. Et puis l’intrigue très ténue va se mettre en place, par petites touches et on pense volontiers à Rohmer. Je n’en dirai pas plus, si ce n’est qu’on est envahi par le charme et la douceur du propos alors que Léon, le personnage central, est bouleversé par le brasier de ses sentiments profonds. Un marivaudage si humain qu’il m’a emporté durant 102 minutes, même si le Léon en question est particulièrement agaçant. Un film magnétique.
Léon, c’est Thomas Schubert, parfait de gaucherie, de maladresse, de timidité et, en fin de compte, de manque de maturité. Pourtant, Paula Beer, plus craquante que jamais ; - on se souvient de ses prestations dans Frantz de François Ozon, ou le Chant du loup -, toujours d’une justesse et d’une sobriété remarquables. Ajoutons Langston Uibel, Enno Trebs, Matthias Brandt, tous parfaits pour un film qui ne peut laisser indifférent et qui ravira les spectateurs des salles qui auront le courage de le programmer. Un film qui nous parle non seulement des affres de la création, mais surtout de l’angoisse générale qui nous traverse, et le sentiment de piège qui se referme sur nous à l’heure de tous les dérèglements. Passionnant.