Le Livre des solutions est certainement le Michel Gondry le plus personnel, intime, et un bel exercice de style pour Pierre Niney, en surchauffe durant 1h45. Mais si l'on n'adhère pas à l'humour très particulier de cette comédie, alors le temps va passer très, très, très lentement, et ça, c'est un vrai problème (sans solution). Dans la salle vide (4 personnes) où on l'a vu, les silences après chaque vanne étaient pesants, écrasants, alourdissant encore nos paupières qui ont eu du mal à résister à la première heure très redondante (oui, on a compris qu'il est parano, obsessionnel, perfectionniste... L'ensemble des gags ne tournent qu'autour de ça, comme si Gondry n'avait pas autre chose à dire, passé la présentation de son personnage loufoque), bruyante, à la voix-off plus que pénible (si le personnage principal ne supporte pas cette voix envahissante, pourquoi la supporterions-nous mieux ? Au bout de cinq minutes, on en peut plus de cette narration qui répète tout ce que le jeu de Niney dit déjà) et aux délires où l'on se dit "d'accord...si tu veux." avec impatience (la voiture qui descend, remonte, descend, remonte... Le délire de Max Le Renard, au beau milieu du film, "pour faire comme dans l’œuvre que le réal créé... ouh mise en abyme !", le camiontage qui est un gag durant trois minutes et dont on ne se ressert jamais...). On n'a pas ri une seule fois, mais on a eu une certaine tendresse envers quelques punchlines salées bien écrites (on a aussi tiqué quand "le mec qui tousse" - oui, parce que c'est son seul trait de caractère, durant 1h45, il tousse, et c'est tout... - crache devant les fromages... Pas touche au frometon, non mais !), envers la mise en scène très typique de Gondry (lorsque Niney fait la chenille en stop-motion, les découpages papier, etc...), envers un portrait de réalisateur qu'on sent très personnel (on avait entamé ce portrait "presque autobio" de la vedette bipolaire et schizo dans sa série Kidding, et maintenant on s'attaque à la psycho du réal, pas si éloignée finalement des troubles de Jim Carrey... Ces deux-là se sont bien trouvés, et, n'aurait été la retraite de Jim, on aurait adoré l'avoir pour conclure leur relation filmique), et évidemment envers un Pierre Niney qui y croit à fond. On s'est vraiment ennuyé, presque endormi, on n'a pas ri, on a souvent pensé que le réal aimait beaucoup se regarder filmer, qu'on aurait aimé voir l’œuvre finale (tout ce foin pour ne pas voir le produit fini ?!) et on est ressorti en étant sûr de zapper ce film intime mais vain dans la liste des petits bijoux déjà signés par Gondry. N'en reste pas moins que la mise en scène est fidèle à l'esthétique décalée de son auteur, que quelques dialogues cyniques sont bien trouvés, que l'on n'arrive jamais à détester cet artiste (qui épuise pourtant son équipe) car le seul vrai problème qu'il a, au fond, c'est d'accepter ses parts d'ombres, et un livre n'y peut rien (la morale nous a quand même attendri). Gondry s'offre un divan de psy excessif en tous points, et ce n'est pas le livre qu'il nous aurait fallu, mais le mode d'emploi.