Superbement foutraque
J’avais découvert Michel Gondry en 2012 avec un film étonnant tourné aux USA, The we and the I. Et l’année suivante, retour en France pour L’écume des jours qui l’a rendu célèbre. Depuis, silence radio à part quelques réalisations de séries TV. Aussi, c’est avec pas mal de curiosité que je suis allé voir ces nouvelles 102 minutes… Marc s'enfuit avec toute son équipe dans un petit village des Cévennes pour finir son film chez sa tante Denise. Sur place, sa créativité se manifeste par un million d'idées qui le plongent dans un drôle de chaos. Marc se lance alors dans l’écriture du Livre des Solutions, un guide de conseils pratiques qui pourrait bien être la solution à tous ses problèmes… Jamais Gondry ne s’était livré de façon si intime, tel qu’en lui-même. Une sorte d’autoportrait sublimement déjanté et porté par un acteur d’exception.
Ce film marque le retour au cinéma de Michel Gondry. Son dernier long-métrage remonte à 2015 avec Microbe et Gasoil. Il fait du personnage de Marc son alter-ego et s'inspire de sa propre vie. Ce personnage, c'est moi à 70%, environ, déclare-t-il. Il se confronte ainsi à sa bipolarité, découverte lors de la production douloureuse de L'Écume des jours. Il confie de nouveau : Je prenais des médicaments pour l'humeur et des obsessions intenses qui m'empêchaient carrément de vivre. Durant le tournage, ça s'est dégradé. [...] On a commencé le montage et j'ai arrêté mon traitement. Là, mon esprit a explosé. Un mélange de mégalomanie et de peur, avec des moments super intenses où j'avais l'impression de faire partie de l'Histoire, de créer des choses totalement innovantes. Et c’est bien cette étape cruciale de la création d’un film qui est ici racontée : le montage et aussi la postsynchronisation. Pour le reste, on retrouve ce qu’on aime chez ce cinéaste pas comme les autres, la créativité à fleur de peau et son goût pour une enfance éternelle. Les dialogues sont irrésistibles, les personnages secondaires très joliment campés, l’image solaire pour un moment de grand bonheur, inventif, généreux et sincère.
Pierre Niney a 34 ans. C’est ici son 34ème film pour le grand écran. C’est vous dire que le bonhomme n’arrête pas. Et en plus, il vole de succès en succès. Du drame le plus noir à la comédie la plus échevelée, du thriller au film historique – il sera bientôt l’Edmond Dantès du Comte de Monte Cristo attendu en 2024, ou le Daaaaali de Quentin Dupieux… c’est vous dire l’éclectisme -, il sait tout faire et le fait bien. Il porte de bout en bout cette comédie dramatique avec une aisance et un abattage remarquables. A ses côtés, Blanche Gardin, Krankie Wallach, Camille Rutherford, Vincent Elbaz… et quelle merveilleuse surprise que de retrouver Françoise Lebrun, une égérie de la Nouvelle Vague de Truffaut et Eustache. Sans compter la participation du grand Sting himself. Une bouffée d’air dans un cinéma qui a trop tendance à se prendre la tête. L’autoportrait d’un artiste en crise, décalé, insolent et surtout très touchant. A voir !