L'initiative du projet est venue de la productrice Kristina Larsen, qui venait de passer deux ans à l'hôpital, où elle a côtoyé le monde des soignants et des patients, dans un service qui englobe tout ce que les femmes traversent au cours d'une vie. Claire Simon raconte : "J'ai été très touchée par sa proposition, notamment parce qu'en faisant Les Bureaux de dieu (2008) sur le Planning Familial, je m’en étais voulue de ne pas avoir inclus le suivi des grossesses, que parfois le planning assure. Or la pilule, l'avortement, la grossesse, contrôler son corps et le désir d'enfant, c'est un même mouvement. Très vite, en fréquentant l'hôpital, le récit s'est imposé en quelques jours : les étapes sur le chemin de la vie, de la jeunesse à la mort."
Claire Simon souligne qu'il s'agit non pas d'un film sur l'hôpital mais sur les patientes, et sur leurs corps : "Il me semble que cela inverse le rapport habituel, où l'on se concentre plus sur l'institution. Lors de la découverte des rushes, même si les soignants ne sont pas niés – ce n'était en rien l'intention - ce fut un bonheur de constater que le film est tout le temps du côté des patientes." Elle ajoute : "Ce que j'avais en tête était comme un leitmotiv : filmer le corps, filmer le corps des femmes. Il n'y avait que ça qui comptait pour moi. Les corps dans sa beauté, dans sa matérialité, dans sa singularité – c'est-à-dire l'absence de normes, de canons de beauté."
Pour Claire Simon, il était essentiel que l'équipe du film soit féminine pour que le projet soit possible. Elle était entourée sur le tournage de Flavia Cordey au son et de Clara François, son assistante. "Ce sont des jeunes femmes qui n'avaient pas encore d'enfants à l'époque – l'une en a eu un très récemment -, cela a été comme une initiation pour elles."
"Ce n'est pas facile de filmer le corps à l'hôpital, parce qu'il est largement caché lors des opérations, des accouchements. Je voulais donc y aller franchement en matière de représentation : des seins, des actes de palpations de chair, des ventres, des peaux. Il s'agissait presque de se mettre du côté de la sculpture. Mais je n'ai pas l'impression de l'avoir fait brutalement, mais, au contraire, avec le plus d'amour possible. Si le corps féminin est caché, la douleur est presque introuvable. J'ai eu l'impression de la traquer", témoigne la réalisatrice.
Pour avoir l'autorisation de tourner, l'équipe a contacté François Crémieux, directeur de l'AP-HP (Assistance publique – Hôpitaux de Paris), puis a rencontré les grands pontes de l'hôpital. "Le Professeur Jean-Pierre Lotz a soutenu le projet dès le départ, il nous a ouvert toutes les portes et son enthousiasme a été fédérateur. Quand le tournage a commencé, cela s'est affiné, nous avons demandé à telle patiente ou telle et tel soignant.e.s. Pour les choses les plus difficiles, il y avait des autorisations incluant le visionnage de la séquence si elle était montée. Tout cela a été globalement très bien accueilli, avec bien sûr des refus – souvent des hommes, je le note !", raconte la réalisatrice.
Au cours du tournage, après avoir senti une boule sous le bras, Claire Simon a passé des examens et on lui a diagnostiqué un cancer. Elle a d'abord hésité à se faire soigner sur les lieux mêmes du film puis a décidé d'intégrer sa maladie au long-métrage. "J'ai presque pris ça à la légère, il m'a fallu du temps pour être consciente de la situation. Sans doute parce que je baignais en quelque sorte dans la maladie, je connaissais le protocole, et savais qu'en fonction du cas, on s'en sort ou pas. L'ironie de l'histoire est que j'avais confié un jour à Sonia Zilberman, une chirurgienne formidable, qu'il fallait que je filme une annonce (de cancer)... Elle m’avait dit que c’était impossible. Puis lorsque je suis tombée malade, j’en ai eu l’opportunité. J’ai demandé à la cheffe opératrice Céline Bozon, de me filmer pendant mon annonce, et elle l'a fait remarquablement".