Ayant grandi dans une petite commune, Mélanie Auffret voulait évoquer avec Les Petites Victoires la ruralité et le phénomène de désertification des villages : "La particularité du phénomène de désertification, c’est qu’il en provoque d’autres. La fuite des populations vers les grandes villes n’engendre pas seulement une perte d’activité, mais aussi une perte du lien social. Ce sont d’abord les commerces qui ferment et s’éloignent, les lieux de convivialités qui se raréfient, l’accès aux premiers soins qui se restreint, puis les écoles qui ferment..."
Lors de l'écriture, Mélanie Auffret s'est lancée dans un travail de terrain, une étape qu'elle estime primordiale et qu'elle apprécie particulièrement : "C’est une des étapes dans le travail d’écriture que je préfère. J’ai le sentiment de partir à la rencontre de mon sujet et de mes personnages." Elle a côtoyé de nombreux maires de petites communes afin de comprendre les enjeux auxquels ils font face. L'une d'entre elles, Fanny Lacroix, maire de Châtel-En-Trièves, une petite commune de 500 habitants en Isère, l'a particulièrement marquée et l'a inspirée pour le personnage d'Alice : "C’est une mère célibataire à l’énergie débordante, dont la détermination et le courage m’ont tout de suite bluffé." Elle s'est également renseigné sur l'illettrisme, qui touche presque 7% de la population de notre pays, et a rencontré de nombreux adultes qui sont retournés sur les bancs de l’école à l’âge adulte.
La réalisatrice a retrouvé le coscénariste de son précédent et premier long-métrage, Michaël Souhaité, et a fait appel à un consultant scénaristique, Romain Compingt, pour trouver le vrai squelette du film : la rencontre entre Alice et Émile.
Malgré ses sujets (la désertification des villages et l'illettrisme), Les Petites Victoires est une comédie. La réalisatrice souligne : "Il était cependant important pour moi de rester dans les codes du cinéma que j’aime, à savoir la comédie, où le propos, en apparence léger, permet tout de même de donner à réfléchir. Car le film s’appuie sur des personnages positifs, et souligne aussi l’importance de faire les choses ensemble." C'est cette combinaison qui a séduit Michel Blanc : "Mélanie Auffret a choisi d’en faire une comédie à la fois optimiste et très drôle. Pour contrebalancer le côté profond et dur de la réalité de l’illettrisme, on assiste au parachutage d’un homme mûr dans une classe de gamins entre six et neuf ans qui, pour la plupart, sont plus avancés que lui dans l’apprentissage de la lecture. Ce contraste est forcément source de comédie et il m’a offert le plaisir de jouer avec des enfants." Julia Piaton renchérit : "Effectivement la force de Mélanie, c’est qu’elle parvient à dire des choses graves avec beaucoup de joie et de fraternité. Car elle rappelle sans cesse le côté capital du lien humain, de l’attention que l’on porte aux autres et de la bienveillance."
"Diriger Michel Blanc était plus un rêve qu’un projet" pour la réalisatrice, qui ajoute au sujet du comédien : "C’est un acteur qui sait tout jouer et peut tout s’approprier, il est juste et authentique." Quant à Julia Piaton, c'est une actrice dont elle suit le parcours depuis plusieurs années : "Je suis très honorée que Les Petites Victoires soit son 1er premier rôle, et je l’espère celui d’une longue série. Elle s’est particulièrement investie pour le rôle d’Alice, effectuant un travail de terrain aux côtés de son cousin, maire d’un petit village normand, ou avec Amélie, institutrice du village du Juch, qui m’a également inspirée."
Plus de 500 enfants ont été castés pour le film. "Il était important, non pas de choisir les enfants qui deviendraient mes personnages mais ceux qui l’étaient déjà. 80% d’entre eux étaient des petits Bretons qui n’avaient jamais joué la comédie", explique la réalisatrice. Le plus compliqué a été de trouver l'interprète d'Eliott.
Afin de faire vivre cette école et créer du lien entre les élèves, les enfants suivaient les cours avec une vraie institutrice dans le même décor lorsqu'ils ne tournaient pas. "J’ai beaucoup accompagné les enfants en amont du tournage pour noter sur des carnets des détails sur chacun et intégrer aux dialogues leur manière de parler".
Un vrai casting de villages bretons a été effectué ! L'équipe a visité près de 80 villages et Le Juch s’est imposé comme une évidence. "C’est un théâtre à ciel ouvert, à l’image de ce que je souhaitais raconter. J’ai été saisie par le contraste entre la beauté de ses ruelles, de sa verdure, de ses bâtiments, et la réalité sociale et économique qui le touche : c’est un village sur le fil qui se bat tous les jours pour maintenir sa cohésion sociale et son attractivité", raconte Mélanie Auffret.
Le bâtiment qui sert de mairie dans le film était en réalité abandonné depuis près de 25 ans. Grâce au tournage, Le Juch a bénéficié d’une importante couverture médiatique, et ce bâtiment a été racheté pour redevenir un bar.
L'équipe a organisé une tournée d'avant-premières de 5 mois dans près de 110 villes. Les Petites Victoires parlant de désertification, il paraissait évident pour la production de se rendre dans des villes, des villages et des petits cinémas qui n'accueillent pas d'habitude des avants-premières.
Par un heureux hasard, avant de se voir proposer le rôle d'Alice, Julia Piaton a eu un cousin et un ami très proche qui sont tous deux devenus de jeunes maires de villages. L'actrice a profité de l'occasion pour passer quelques jours en Normandie chez son cousin afin d’observer son quotidien. "Or ce séjour m’a confirmé à quel point le scénario de Mélanie était juste ! Avec lui, j’ai joué les psys, rebouché les trous de la chaussée, arrangé les câbles électriques, rassuré une dame qui se plaignait d’une invasion de chauves-souris... et j’ai pu constater qu’un maire faisait très vite partie de l’intimité des villageois."