Constitué il y a une dizaine d’années à l’Institut Médico-Éducatif de Bourg-la-Reine, Astéréotypie est un collectif composé de huit artistes dont quatre chanteurs autistes (Stanislas Carmont, Yohann Goetzmann, Aurélien Lobjoit et Claire Ottaway - dernière arrivée dans le groupe qui succède à Kevin Vaquero) et 4 musiciens (dont Arthur B. Gillette et Eric Taffany, tous deux membres de Moriarty, et leur éducateur spécialisé, Christophe L'Huillier). Leur troisième album, intitulé Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme, est sorti en avril 2022. Le titre de leur deuxième album sorti en 2018, L’Energie positive des Dieux, donne son nom au documentaire.
C’est en mars 2015, au Centquatre à Paris, à l’occasion de Sonic Protest, un festival dédié à la musique expérimentale, que Laetitia Møller a découvert Astéréotypie sur scène. « En les découvrant ce soir-là, j’ai été saisie d’une violente émotion. Ce groupe que je savais composé d’autistes défiait toutes mes représentations. Ils dégageaient une énergie brute. Ils n’interprétaient pas la musique, ils l’incarnaient. » Ce qu’elle voulait avant tout retracer dans ce documentaire, c'était l’universalité de leurs textes : « je crois que ce qui m’a touchée ce jour-là, c’est qu’ils parlaient aussi de nous. Ils parlaient de ce qui nous entrave et de ce qui nous contient, de nos angoisses terrées, de la violence de l’adaptation sociale. Ils portaient en eux un souffle de liberté. »
Laetitia Møller voulait interroger les perceptions du spectateur : « Associer deux mots qui ne vont pas ensemble, est-ce une erreur de langage ou une invention sémantique créatrice de poésie ? Entrer en transe sur scène, est-ce un comportement inadapté ou une attitude punk digne de Ian Curtis, le chanteur de Joy Division ? » Derrière l’étiquette d’« autisme », il s’agissait de faire ressortir les individualités fortes des membres du collectif.
L’autisme n’était pas le sujet premier de Laetitia Møller quand elle a entrepris L’Énergie positive des dieux. Sans pour autant nier son existence, ce qui l’intéressait, c’était la revendication d’une véritable proposition artistique du collectif, qui se produisait dans le milieu de la musique et non dans le réseau médico-social. « Cela les distingue de nombre de projets autour de la culture et du handicap. Je voulais traduire le processus créatif à l’œuvre dans ce collectif, les relations humaines qui y circulent et rendent possible cet affranchissement collectif. » Christophe L'Huillier, l’éducateur spécialisé à l’origine du groupe et guitariste, souligne qu’il ne s’agit pas de musicothérapie : « Entre chanteurs et musiciens, on a le même statut, on est signés sur le même label, payés et déclarés à la Sacem. Dès le départ, on a créé une association indépendante pour faire exister le groupe dans le monde ordinaire, en dehors de l’institution. »