Domien Huyghe est le plus jeune de ses frères et sœurs. Il a perdu son père à 15 ans d’une insuffisance cardiaque, ce qui fut un véritable choc pour la famille. Le metteur en scène développe : "Au sein de sa famille, nous n’avons pas vraiment su comment appréhender ce moment. Alors que nous sommes très proches, ce sujet est devenu presque tabou. C’est pour cette raison que j’ai commencé à chercher, dans les films et la littérature, des histoires qui traitent du deuil. Et c’est toujours plus ou moins la même chose."
"Ces récits étaient trop 'heureux'. La fin se résumait à 'Ok, ça c’est fini, on peut continuer notre vie'. Dans certains cas, les morts revenaient même à la vie. Surtout, la plupart commençait deux ou trois mois après les événements. Et pour moi, ces premiers mois sont essentiels pour faire le deuil. Il y a un grand sentiment d’injustice car tout le monde continue sa vie alors qu’on vient de tout vous enlever. Quand je suis allé en école de cinéma, j’ai trouvé un outil pour travailler ce sujet, exprimer ce que je ressentais."
"C’est ainsi que j’ai pu trouver des réponses, pas sur le deuil, mais pour moi. Je parvenais enfin à donner une place à cet événement. J’ai donc réalisé quelques courts sur des enfants qui traversaient une période de deuil, et cela m’a aidé. Puis j’ai décidé d’appeler ma sœur qui était journaliste et écrivaine. Je lui ai dit : 'Il est peut-être temps d’écrire notre histoire'. Parce que je savais qu’elle ressentait la même chose à propos de notre famille qui ne communiquait pas. Nous avons donc commencé à écrire Sea Sparkle."
"Certes, notre père n’était pas pêcheur mais assureur, mais le ressenti reste le même et nous voulions surtout rester proche du cœur. Raconter le plus honnêtement possible ces premières semaines de deuil parce que nous sentions que c’était quelque chose d’unique et de cinématographique."
Le roman Moby Dick, ayant donné lieu à plusieurs films, n'a pas été une source d'inspiration pour Domien Huyghe. Les références du metteur en scène sont les films d’Hayao Miyazaki, comme Le Voyage de Chihiro ou Le Château ambulant : "Il écrit des histoires sur des gens qui se dirigent vers de nouveaux horizons, de l’enfance à l’âge adulte, vers le devenir homme ou femme et il y a toujours cet élément de fantaisie ainsi que le pouvoir de la nature. Je pense que nous avons souvent tendance à nous sentir supérieur à la nature, que nous pensons pouvoir la conquérir. Or, c’est impossible."
"Chaque année, je pars en randonnée dans les montagnes juste pour me rappeler à quel point nous sommes petits. Parfois, certains événements dans la vie, contre lesquels nous ne pouvons aller comme la mort, nous rappellent également cette condition de l’être humain. Le cinéma japonais, d’Hayao Miyazaki en particulier, a donc été une grande source d’inspiration mais je pense aussi à un film comme Le Secret de Terabithia. Ce qu’y vivent les personnages, de jeunes adolescents, est très difficile et c’est encore grâce au merveilleux qu’ils vont pouvoir, un peu, alléger leur peine", confie le cinéaste.
Pour Lena, Domien Huyghe voulait une jeune fille on ne peut plus classique : "Elle se sent bien dans sa vie, a des amis, une grande famille, elle s’apprête à faire sa rentrée, on est en été, rien de plus normal. Il me fallait donc une personne qui incarne, qui donne corps et du relief à cette jeune fille de 12 ans, avec son caractère, sa personnalité et le basculement qu’elle subit. Je me souviens d’une conversation avec mon caméraman qui m’a dit : 'Oui, nous avons des scènes dans l’eau, nous avons des effets spéciaux mais le plus dur ça va être de trouver Léna'."
"Nous avons donc pris notre temps pour la chercher. Une annonce pour le casting a été déposée en ligne et Saar était l’une des centaines de jeunes filles qui se sont présentées. Cependant, il a été très clair dès le début qu’elle était notre Léna. Beaucoup d’actrices parvenaient à jouer ce qui était sur le papier, mais Saar y apportait sa personnalité. Elle avait parfaitement compris Léna et la faisait sienne. Par la suite, nous avons beaucoup réécrit les dialogues en sa compagnie pour qu’elle paraisse toujours plus vraie", se souvient le réalisateur.
Tout le long de Sea Sparkle, il est question du monstre des mers que Lena est persuadée d’avoir vu. Domien Huyghe a voulu le montrer, tout en laissant le public se créer sa propre créature venue des profondeurs. Le cinéaste explique : "Pendant 90 minutes, Léna parle de lui donc si on ne l’avait pas montré, cela aurait été un peu décevant. Mais il fallait réfléchir à la manière de le présenter sans imposer une forme. C’est pour ça qu’il est très gros, immense et qu’on n’en voit que l'œil et peut-être une tentacule. Le reste, c’est l’imagination de chacun qui fait le travail."
"Ça peut être un calmar, un kraken ou un extra-terrestre, peu importe. À chaque projection, je demande, notamment aux plus jeunes, comment ils le voient et les réponses sont toujours différentes. C’est parfait. De même, le monstre est-il réel ? Ou est-ce juste le fruit de l’imagination de Lena ? Je pose aussi cette question au public, et c’est très divisé. Pour moi, il existe mais pour Wendy, il n’est que dans la tête de Lena. Or nous sommes du point de vue de Léna, donc les deux sont vrais. Ce qui comptait, c’était que les autres personnages ne le voient pas, pour entretenir ce doute."