La Cure : les secrets du tournage

La Cure est un huis clos ancré dans l’actualité de l’épidémie de la COVID 19. Au départ, Simon Rembado et Clément Schneider devaient préparer un festival de théâtre en plein air dans les champs. Devant l’incertitude sur les possibilités de réunir du public pendant l’été 2020, les réalisateurs ont changé leur fusil d’épaule et décidé de faire un film avec une très petite équipe et peu de moyens. "Le fait que ce soit un quasi huis clos rendait ça possible, même si ça restait fou : tout a été filmé et monté entre le 1er et le 19 août en tout cas pour la version présentée en 2020", se souviennent-ils.

Les allusions ou les références à l’épidémie COVID 19, aux Gilets Jaunes et à la crise migratoire créent un contexte menaçant en contraste avec l'environnement protégé où l'intrigue a lieu. Simon Rembado et Clément Schneider confient : "Pour certains c’est un cocon de calme, pour d’autres c’est un désert qui rend fou. Et le hors-champ, à tous les sens du mot champ, les urgences saturées, les manifestations violentes et les campements de migrants, on ne les a pas sous les yeux quand on vit dans un coin isolé comme celui-là. On en parle, c’est tout. C’est aussi une des raisons de l’aveuglement égoïste de certains personnages, d’ailleurs."

Le film est adapté de la pièce "Les Enfants du soleil" de Maxime Gorki, dont l’action se déroule durant l’épidémie de choléra de 1862. Clément Schneider explique : "Elle nous parle bien sûr, parce que la menace du choléra fait écho aux temps que nous vivons, c’est vrai ; c’est aussi une très belle pièce sur l’amour, sur les couples mal distribués par la vie, et sur la violence de classe. Nous avons essayé de retrouver tout ça dans des personnages contemporains et leurs relations, sur fond de rapport maladif de la capitale à la province."

Né en 1989, Clément Schneider étudie le cinéma à la Fémis dont il sort diplômé en 2013. Depuis, il a cofondé une société de production, Les Films d’Argile, afin de conserver indépendance et liberté dans son travail de création. En 2018, son premier long-métrage Un violent désir de bonheur est sélectionné à l’ACID Cannes et de nombreux festivals internationaux. Il continue de tourner en alternant formats courts et formats longs. Il mène, au sein de l’Université PSL, un travail de thèse sur les rapports possibles entre cinéma et utopie. Il est également co-président de l’ACID.

Après avoir été diplômé du CNSAD en 2016, Simon Rembado cofonde la compagnie de théâtre « Les Poursuivants » en 2017 et le festival Y’a Pas La Mer en 2018, en Bourgogne. Il a adapté et mis en scène Emilia Galotti de Gotthold Ephraim Lessing (Festival Ici&Demain 2015), Léonie est en avance ou le mal joli de Georges Feydeau (Festival JT19) et il a été finaliste du Prix des Jeunes Metteurs en Scène de Théâtre du Théâtre 13 en 2018 avec sa version des Rats de Gerhart Hauptmann.

En 2020, il écrit et met en scène "La langue", une pièce de théâtre documentaire jouée au Focus sur le Jeune Théâtre Européen à l’Espace des Arts, Scène Nationale de Chalon- sur-Saône. Il a été l’assistant du metteur en scène Michael Thalheimer sur Combat de nègres et de chiens de Bernard-Marie Koltès en 2010, ainsi que de Galin Stoev sur « Delhi » Danse d’Ivan Vyrypaev en 2011, toutes deux productions de La Colline-Théâtre National.

Il a joué dans Notre innocence, écrit et mise en scène par Wajdi Mouawad à la Colline en 2018. En 2019, il a interprété Peter Trofimov dans La Cerisaie d’Anton Tchekhov, mise en scène par Nicolas Liautard et Magalie Nadaud au Théâtre de la Tempête. La Cure est sa première expérience de cinéma

La Cure repose sur un jeu de réparties vif et cinglant. L'idée était de travailler avec la troupe déjà constituée dans le cadre du festival de théâtre. Les cinéastes racontent : "Chacun·e a influencé dès le départ la réécriture du personnage qu’il·elle a joué. On ne les a pas vraiment dirigé·e·s en ayant un style particulier en tête, mais sans doute que l’origine théâtrale du scénario, l’importance des dialogues, ont un peu décalé, un peu déplacé leur manière de jouer, vers quelque chose de moins réaliste, plus stylisé. L’avantage de l’urgence dans laquelle s’est fabriqué ce film est qu’elle nous a empêché, que ce soit à l’écriture, ou au tournage, de psychologiser à outrance."

Simon Rembado et Clément Schneider ont attaqué le tournage sans aucune référence particulière en tête. Les metteurs en scène voulaient faire un film à la fois drôle, grinçant, doux et tragique. Il précisent toutefois : "A la limite, s’il y a une filiation c’est avec un certain esprit de la fabrication même du film : buissonnier, improvisé, capable d’écarts de tons, ouvert à l’accident... Et pour le coup, c’est quelque chose qui rappelle le cinéma français des années 70, ou certains cinéastes plus actuels, dont vous parlez."