Frustré, interrogatif, mitigé, je ne pensais pas être tout à la fois avec « C’est mon homme ».
Pourquoi devais-je être sceptique dans la mesure où Guillaume Bureau qui signe là son premier film s’est basé sur des témoignages réels ?
Seulement l’impression donnée est la suivante : sous prétexte que ce récit est basé sur des témoignages réels, Guillaume Bureau préfère jouer la carte de la paresse en abusant des ellipses.
A cela le spectateur doit se contenter de l’exposé survolé du réalisateur.
Exemple : le spectateur que je suis accepte cette idée folle que deux femmes reconnaissent le même homme pour mari.
Donc, j’imagine que le docteur qui reçoit Julie (Leïla Bekhti) a tous les éléments dans son dossier, portrait du mari nommé Julien à l’appui ( Karim Leklou ).
A la question du signe distinctif,
Julie évoque une cicatrice sous l’omoplate droite alors qu’elle est à gauche.
L’emplacement ne semble pas perturber le docteur qui finit pas céder le mari à Julie.
Et Julie a le droit de se tromper sur l'emplacement de cette particularité physique.
Si Julie semble sûre d’elle-même, Guillaume Bureau fait en sorte que le frangin Antoine soit sur la réserve. Julie lui rétorque que même sa mère ne l’avait pas reconnu.
Et alors ?
Guillaume Bureau ne nous dit rien de plus sur cette mère.
Etait-elle sénile ? Etait-elle perturbée ?
Si Antoine ne relève pas, le spectateur pense naturellement que la mère était lucide.
Quid du dessin de l’arbre, celui de la propriété ? Dessiné par le mari amnésique !
Guillaume Bureau se garde bien de l'approfondir.
Quant à la réception organisée par Julie, ni le maire et les invités ne semblent tiquer sur l'identité de Julien.
Arrive Rose-Marie dit la Frimousse (Louise Bourgouin)
qui reconnaît son homme.
Ce dernier s’en amuse.
A la question d’un signe distinctif,
la Frimousse n’en trouve pas mais parle d’un lancer de couteau.
Soit, Julie ignore ce talent.
Mais Rose-Marie ignore la cicatrice de Victor (et oui, il s’appelle Victor pour Rose-Marie).
Soit, Rose-Marie peut avoir oublié ce détail.
Pas le spectateur que je suis !
Comment le docteur peut-il ne pas répéter ce détail à Rose-Marie ?!
Guillaume Bureau joue-t-il à son tour sur l’amnésie des spectateurs ?
Ce détail non relevé du docteur me parasite la suite du film !
Je n'ai que ça en tête et en veux au réalisateur pour sa légèreté.
Enfin, l’identité de l’amnésique est validée après consultation d’un jury.
Là encore, le spectateur doit faire avec, accepter le verdict sans en connaître les débats et sur quels critères ?
Bref, pour un premier film, la maîtrise technique et artistique de Guillaume Bureau et de son staff est à saluer ; il réussit à semer le trouble chez le spectateur, lequel est aussi troublé que Julie et Rose-Marie ; seulement, à force de ne jouer que sur le trouble, son récit finit par s’avérer frustrant en semant des indices qu'il refuse de développer.
A noter la séquence où Julie se déguise en une Vampire de Louis Feuillade ; elle est d’une sensualité à croquer.