« C’est mon Homme » est un premier film, celui de Guillaume Bureau, est impossible au vu du résumé de ne pas penser au « Retour de Martin Guerre », un film aujourd’hui vieux de 40 ans mais resté assez inoubliable. Pourtant, « C’est mon Homme » (je n’aime pas beaucoup ce titre, trop démonstratif, sans imagination) n’a pas grand-chose à voir. Ici, nous sommes dans les années folles qui sont très bien reconstituées : les décors, les costumes (magnifiques, surtout pour la partie cabaret), l’ambiance, tout est très soigné. D’ailleurs dans sa forme, ce film donne l’impression d’une copie très propre, très appliquée même. Le travail sur la lumière surtout est notable. Lumière électrique ou lampe à huile, l’époque est au mélange des deux (l’électricité ne concerne que les milieux aisés) et le film joue avec la lumière, les contre-jours, les ombres portés… On sent beaucoup d’application. Les paysages aussi, que ce soit la Bretagne ou la Bourgogne (car il me semble bien que Julie Delaunay habite dans l’Yonne) sont filmés avec application. Malheureusement, « C’est mon Homme » pâtit de quelques longueurs, appuyée parfois par une musique passe-partout qui donne une impression de langueur, alors même que le film est hyper ramassé et ne dure même pas 90 minutes ! Au niveau du casting, pour moi c’est la composition toute en souffrance de Leïla Bekhi qui emporte le morceau. Incapable de faire le deuil de l’homme de sa vie, elle s’auto persuade de l’avoir retrouvé avec une force troublante. A ses côtés, Karim Leklou incarne un homme insondable très difficile à cerner. On passe une bonne partie du film à se demander s’il est l’un, l’autre ou aucun des deux. On s’interroge même par moment sur une éventuelle supercherie : et si cet homme avait trouvé un moyen de se fondre dans la vie d’un autre à peu de frais ?Leklou compose le même type de personnage insaisissable que dans la série « Hippocrate » où je l’ai découvert. Pour tout dire, si le personnage de Julie est limpide, celui de Victor/Julien est tellement fuyant qu’il n’est jamais réellement sympathique aux yeux du spectateur. Quant à Louise Bourgoin, elle souffre un petit peu de la comparaison avec Leïla Bekhti, je trouve. Il n’y a que dans les scènes de cabaret qu’elle donne la mesure de son charisme (est-ce elle qui chante ? J’ai un doute…). Là encore, son personnage est curieusement dessiné, jamais pleinement convaincant. C’est peut-être voulu… Le scénario s’inspire d’une histoire vraie et je n’ai aucun mal à le croire. Dans cette France saignée à blanc, ou bon nombre de femmes n’ont jamais eu la moindre certitude sur la mort de leur mari, de leur frère, de leur fils, la tentation de croire dur comme fer au retour du soldat perdu est parfaitement crédible. La douleur est partout dans ce film (la première scène est parfaitement emblématique de cela), les hommes qui sont revenus traumatisés, différents, ou défigurés. Toutes les familles de France ont un deuil ou un malheur à déplorer, ces deuils sont parfois impossibles, les vies sont brisées. Comment ne pas croire à cette histoire dans un contexte pareil. Sur ce point là, le film est pertinent et réussi. Après le scénario à deux gros défauts, je trouve. Il est frustrant et inabouti. Un exemple de frustration : l
orsque la Justice est saisie et doit trancher entre Julien et Victor, le film ne montre absolument rien du procès, des preuves ou des arguments. Le film ne nous offre que le verdict final sur un morceau de papier, sans que l’on ait la moindre idée des arguments qui ont emportés la décision ! Personne ne sait qui est cet homme mais la Justice tranche : sur quelle base ? Mystère et boule de gomme
! Et puis la fin du film est très frustrante aussi, mais je n’en dirais évidemment rien sauf que quand la lumière du cinéma se rallume, on entend des soupirs dans la salle, et ça ce n’est jamais bon signe. Le scénario met en scène deux femmes qui n’auraient pas pu être plus différentes l’une de l’autre, on est presque dans la caricature : Julie fait partie de la bourgeoisie aisée de province, elle respire la respectabilité et les convenances. Rose-Marie est chanteuse de cabaret à Paris, elle danse en petite tenue, elle a la gouaille de la parisienne et l’ambition de l’artiste. C’est comme si en plus de devoir « choisir » entre deux femmes magnifiques, il devait aussi « choisir » sa classe sociale : bourgeois de province ou serveur de cabaret ? On est ici à deux doigts de la caricature. Je suis un peu déçue par « C’est mon Homme », il y avait sur le papier matière à faire un film plus aboutit. A force de vouloir faire subtil, Guillaume Bureau est un peu passé à côté de son sujet.