Julien vs Victor
1er film pour Guillaume Bureau qui s’attaque à un sujet vu et revu au cinéma : l’amnésie de ceux qui reviennent de la guerre. Ces 87 minutes arrivent-elles à renouveler le genre ? Toute la question est là. Julien Delaunay a disparu sur un champ de bataille de la Grande guerre. Sa femme, Julie, ne croit pas qu’il soit mort. Et quand la presse publie le portrait d’un homme amnésique, elle est certaine de reconnaître Julien. Ils se retrouvent et réapprennent à s’aimer. Mais une autre femme réclame cet homme comme étant son mari. La morale de ce drame reste : l’identité n’est pas seulement une affaire de preuves ou de science, mais bel et bien une affaire de croyance. Beaucoup de qualités techniques, un casting convaincant, mais hélas une fin totalement bâclée qui nous laisse sur notre faim.
Notre cinéaste s'est inspiré de deux faits divers : « l'Amnésique de Collegno », dans l’Italie des années 20 et le fait divers dit du « soldat inconnu vivant » : à la même époque en France, long feuilleton judiciaire qui a opposé plusieurs familles autour d'un soldat amnésique retrouvé sur un quai de gare. Ici, en tout état de cause, il ne s’agit pas d’un film historique mais plutôt d’une histoire d’amour hors du commun. L’ambivalence, savamment maintenue par le scénario, permet à chacun de se faire sa propre idée sur l’identité de l’amnésique. Et le doute subsiste toujours. La reconstitution de l’époque est sobre voire minimale mais la photographie de Colin Lévêque est superbe et la musique de Romain Trouiller participe au charme de ce drame malheureusement escamoté, par une cruelle absence de rôles secondaires – témoins ayant connu le revenant -, et de scènes expliquant la décision de la justice – preuves, critères, enquête -, plus, je l’ai dit, un épilogue escamoté. J’attendais mieux et plus.
Karim Leklou, étrange, inquiétant, une blessure permanente dans le regard, campe l’homme à la double identité avec tout ce qu’il faut à la fois de naïveté et d’ambiguïté. Leïla Bekhti et Louise Bourgouin, les deux « prétendantes », sont impeccables également. Ce « Retour de Martin Guerre » des années folles auraient pu être un très bon film. Trop de manques scénaristiques m’ont empêché d’apprécier ce 1er film. Il y a du « cinéma » chez Guillaume Bureau, pas encore de talent suffisant pour le scénario et pour créer l’émotion, pourtant inhérente à un tel sujet.