Quentin Reynaud nous offre un film catastrophe minimaliste réduit quasiment à deux personnages, mais qui n’en demeure pas moins un film catastrophe parfaitement crédible et hautement angoissant. Le film est court, à peine 1h25 et paradoxalement, il semble durer plus longtemps. Non pas que l’on s’ennuie, même si il y a quelques scènes un peu étranges
(hallucinations, rêves éveillés)
qui interrogent, mais surtout parce que la tension nerveuse est forte de bout en bout et que le film est assez éprouvant pour le spectateur. Quentin Reynaud réussit toute la première partie, celle dans la voiture. C’est étouffant, on a l’impression d’un piège qui se referme et la chaleur est presque palpable. La musique est discrète mais efficace mais surtout le travail sur le son que je veux souligner. Dans une situation extrême comme celle-ci, n’importe quel son est, soit source d’angoisse, soit source d’espoir : un grésillement de radio, un craquement d’arbre, un cri d’animal, le bruit des vagues, on est à l’affut de chaque son, et même le silence est plus angoissant encore que dans d’autres films. D’un point de vue technique, j’imagine que filmer le feu est toujours un gros challenge. Que Reynaud nous montre un ciel vaguement rougeoyant ou bien un mur de flamme, l’effet reste le même. Il filme le feu comme s’il était un personnage à part entière du film, comme on filme un monstre de film d’horreur : on ne croit pas réellement en lui mais il est tapis dans l’ombre ou bien il vous saute dessus, il vous encercle, vous rattrape, vous laisse entrevoir un espoir avant de vous surprendre, l’effet est parfaitement rendu. La fumée aussi est parfaitement rendue à l’écran : orange, opaque, elle vous fait perdre vos repères jusque dans votre propre jardin, elle engloutit vous espoirs, elle est la complice active du feu, celle sui vous jette dans ses griffes. André Dussollier et Alex Lutz incarne un père, ancien militaire probablement veuf et un peu ronchon et radoteur, et un fils divorcé, qui a perdu le contact avec son fils adolescent et qui se remet très mal d’un traumatisme personnel (que l’on découvre plus tard). Les deux comédiens sont très biens, aucun ne cherche à tirer la couverture à lui, et on arrive à toucher du doigt la relation compliqué qu’ils ont. Il n’y a pas à chercher très longtemps pour comprendre que les relations père-fils sont au cœur du film. On ne peut pas dire que cela soit un angle original, c’est sur… Le scénario insiste quand même beaucoup sur ces relations dysfonctionnelles entre Joseph et Simon mais surtout entre Simon et son fils Sam de 16 ans. On sent qu’il y a un nœud à dénouer, au cœur du drame, entre ces deux là. Ce nœud, on le comprend,
c’est un deuil mal fait. Sur ce deuil, le film en dit trop ou pas assez. Soit on choisit d’appuyer sur cet abcès et alors on ne reste pas dans l’allusif,
ou alors on se dispense de cette intrigue supplémentaire pour se concentrer sur le feu. Le film choisit de ne pas choisir entre la catastrophe et le drame intime, il essaie de nouer les deux mais ce n’est pas vraiment aboutit. Peut-être aurait-il mieux valu en faire moins dans le côté « trauma » et « rêve récurrent » et davantage sur le côté « survivaliste » du film, car c’est surtout cela qui fonctionne. Autant le scénario était totalement maitrisé dans sa première heure, autant la toute fin laisse une étrange impression, une impression un peu fumeuse, sans mauvais jeu de mot. Après nous avoir offert, tout au long du film quelques scènes intrigantes
(flash back ? flash forward ?)
, il nous offre une scène finale un tout petit peu décevante, presque banale. Mais ce que je retiens surtout de « En Plein Feu », c’est qu’une intrigue toute simple peut s’avérer bien plus angoissante qu’un film catastrophe grand spectacle signé Hollywood. On pense immédiatement au méga feu de Gironde de 2022, un méga feu qui déborde les pompiers, où les secours ne parviennent plus à secourir, où les gens sont livrés à eux même, ou les autorités toutes les autorités, sont impuissantes, c’es tune impression de fin du monde. Tout cela relevait du phantasme cinématographique il y a 20 ans, aujourd’hui c’est une réalité. En cela, le film de Quentin Reynaud est diaboliquement efficace.