La réalisatrice a grandi avec ces images de jeunes garçons des rues qui sillonnent la Colombie en semant chaos et anarchie, passant par un fleuve comme le Cauca. Elles se sont mêlées à ses souvenirs d'enfance de trajets en voiture à travers les montagnes et à un voyage entrepris vers les côtes colombiennes après son précédent et premier long-métrage, Matar a Jesús. "Je les ai vus traverser ce paysage, émerveillés, à la recherche d'une place dans ce monde. Des images puissantes me sont apparues. Quelques heures plus tard, sans dire un mot, je me suis arrêtée, j'ai sorti mon carnet et j'ai écrit les premières notes de cette histoire : « Nous sommes les rois du monde »."
Los reyes del mundo a été tourné dans la région du Bajo Cauca, réputée dangereuse. Plusieurs personnes avaient prévenu Laura Mora de renoncer à y tourner mais la réalisatrice n'a pas abandonné : "C'était peut-être le premier acte politique de ce film. Prouver qu'il ne devrait pas y avoir de territoires interdits, qu'il ne devrait pas être impossible à quiconque de connaître la beauté, c'est aussi un acte de résistance".
"En tant que femme, je suis profondément fascinée par l'exploration cinématographique de ces comportements le plus souvent liés à une masculinité brute qui condamne un homme dès sa naissance à devoir être violent", affirme la réalisatrice. Elle a justement pu aborder ce rapport entre masculinité et violence dans son film : "J’ai aussi abordé la reconnaissance des émotions, de la tendresse, de la fraternité dans cet univers masculin. On dit aux hommes qu'ils doivent prendre les gens et les choses par la force. [...] Et puis d'un coup, ces mecs rompent un peu avec ça, s'embrassent, se montrent du soutien, de l'affection ; ils peuvent penser collectivement, mais ils se battent tout aussi facilement. J'ai l'impression que le conflit est toujours là, inévitable ; il leur est difficile de se remettre de tout ce qu'ils ont vu et appris dans leur vie."