Ce film a été présenté en Compétition au Festival de Cannes 2023.
"Au début du film, le spectateur fait confiance à Elizabeth (qu’incarne Natalie Portman). C’est par elle qu’on fait la connaissance de Gracie (qu’interprète Julianne Moore) et de son histoire. Puis, on découvre comment Elizabeth utilise tous ceux qu’elle rencontre, et notre confiance en elle s’en trouve ébranlée. C’est cela qui me séduisait dans ce projet : confronter deux actrices que j’adore, et mettre le spectateur dans une position instable, dans laquelle il doit constamment réévaluer ce qu’il pense des personnages...", déclare Todd Haynes.
"May-December" est une expression qui désigne en anglais une relation où les deux partenaires ont une grande différence d'âge. Interrogé au sujet du titre de son film lors d'une conférence de presse au Festival de Cannes 2023, où le film était sélectionné, Todd Haynes a plaisanté : "En France, on appelle ça "une Macron"".
Todd Haynes dirige pour la cinquième fois Julianne Moore après Safe, Loin du paradis, I'm not there et Le Musée des merveilles.
Le couple formé par Julianne Moore et Charles Melton dans le film est inspiré par l'affaire Mary Kay Letourneau, survenue en 1997 aux Etats-Unis. Cette dernière était une professeure américaine qui, alors qu'elle était âgée de 34 ans, est tombée enceinte d'un de ses élèves de douze ans, Vili Fualaau. Elle a été condamnée à six mois de prison (dont trois avec sursis) et trois ans de traitement pour délinquance sexuelle. Elle a ensuite violé sa probation et est retombée enceinte de Fualaau, ce qui lui a valu sept ans et demi de prison en 1998. Sa peine purgée, elle a épousé Fualaau en 2005 et a élevé avec lui leurs deux enfants, nés pendant son incarcération. Le couple a fini par divorcer en 2019, et Letourneau est décédée l'année suivante des suites d'un cancer.
Le film n'est pas une reconstitution fidèle de l'affaire. Les personnages ne portent pas les mêmes noms que les protagonistes d'origine, et Todd Haynes imagine l'irruption d'une comédienne dans la vie du couple. Néanmoins, l'inspiration est évidente et le principal concerné, Vili Fualaau, désormais âgé de 40 ans, a partagé son mécontentement de ne pas avoir été consulté par la production.
"Je suis toujours en vie et en bonne santé. Si [la production] m’avait contacté, nous aurions pu travailler ensemble sur un chef-d’œuvre. Au lieu de cela, ils ont choisi de reproduire mon histoire originale", a-t-il confié au Hollywood Reporter. "Je suis offensé par l'ensemble du projet et par le manque de respect à mon égard, moi qui ai vécu une histoire réelle et qui la vis encore. [...] mon histoire est loin d'être aussi simple que ce que ce film [dépeint]".
C'est Natalie Portman qui a envoyé à Todd Haynes le scénario de Samy Burch. Le réalisateur a tout de suite été séduit par "la façon dont il aborde des sujets potentiellement explosifs avec une sorte de patience observatrice qui permet d’approcher les protagonistes de cette histoire avec une subtilité peu commune. Son écriture était empreinte d’une ambiguïté morale et narrative excitante pour le spectateur."
May December a éveillé en Todd Haynes des associations cinématographiques immédiates, telles que Persona où une actrice et son infirmière développent une relation trouble, mais aussi deux autres films d'Ingmar Bergman, Sonate d’automne et Les Communiants, où les personnages s'adressent directement à la caméra dans des moments-clés.
Des films centrés sur des relations avec une importante différence d'âge l'ont aussi nourri, comme Le Lauréat, Boulevard du crépuscule, Un dimanche comme les autres, Manhattan et Lolita. Manhattan et Le Lauréat sont pour lui des exemples "où le minimalisme stylistique est presque indiscernable de la réussite du film".
La bande-originale du film reprend pour thème la partition que Michel Legrand avait composée pour Le Messager de Joseph Losey en 1971. Une musique bien connue des téléspectateurs puisqu'elle sert aussi de générique à l'émission Faites entrer l'accusé ! "Cette partition était au départ un outil de travail mais elle a finalement été jouée tout au long du tournage et ce jusqu’à la fin du montage. Le compositeur Marcelo Zarvos l’a utilisée en la réarrangeant", explique Todd Haynes.
Charles Melton a pris 40 livres (environ 18 kg) pour le film afin, comme le révèle le réalisateur, "de transformer sa silhouette ciselée en quelque chose de plus familier : un homme de ce type de banlieue. Les choix qu'il a faits en tant qu'acteur témoignent d'un jeu physique remarquable".