Un film qui surprend. C’est le retour de flamme d’une filmographie que l’on pensait éteinte. Catherine Breillat revient au cinéma dix ans après son dernier opus (Abus de faiblesse) et après bien des problèmes personnels (notamment de santé – elle est hémiplégique). C’est aussi un film qui se distingue nettement de ceux tournés durant la majeure partie de sa carrière (Romance, À ma sœur, Anatomie de l’enfer…). Plus classique, subtil et pudique, moins provoc’, outrancier et démonstratif.
Si l’histoire (remake d’un film danois, Queen of Hearts) est une nouvelle fois relative à une forme de transgression (une histoire d’amour entre une femme et son beau-fils ado), l’approche est donc plus posée, plus sensible aux non-dits, bien que factuellement explicite. Toujours dérangeante, mais sans artillerie lourde. D’une grande précision en termes de dialogues, de progression dramatique et de mise en scène. À l’essentiel. Un essentiel qui va fouiller dans les zones d’ombre d’un personnage lumineux, là où s’opposent passion et raison. Dans des zones de monstrueuse beauté, jouissive et délétère.
Dans cette approche, il est moins question de morale que de sphères intimes et sociales. À la clé, un beau portrait de femme, complexe et troublant, entre la tentation de la chute et l’esprit de conservation. Une femme tout en conflits intérieurs, tout en paradoxes et ambiguïtés (entre ses vies professionnelle et personnelle), dont les pulsions au présent sont comme les résonnances troublées d’un passé tourmenté, à peine mais suffisamment évoqué dans le film. À la clé, également, une critique feutrée de la bourgeoisie, carcan bien-pensant, hypocrite. « Normopathe », comme il est dit dans le film. Un univers du compromis, prêt à tout pour la préservation de ses contours et apparences, comme le suggère la dernière scène, sombre et brillante.
Pour cette critique de la bourgeoisie, on songe à Chabrol et notamment à son film Juste avant la nuit. Concernant le personnage de Théo, on songe au Tadzio de Mort à Venise et au parfum d’amour vénéneux cher à Visconti. Beau tissu référentiel, déployé avec intelligence. Enfin, et surtout, on ne peut qu’être admiratif face à la prestation de Léa Drucker. La douceur et la tension. Le feu et la glace. D’une perfection fascinante.