Jaime Rosales est parti d’un reportage photographique, publié dans un magazine français, qui présentait la vie d’une jeune femme américaine, mère de deux enfants, à trois moments distincts de son existence. Elle était à chaque fois en couple avec des hommes différents : "Ses enfants, toujours présents, étaient le pivot de son existence mais ses relations amoureuses occupaient une place tout aussi importante."
"Elles étaient jalonnées de conflits. C’est déjà très difficile de construire une relation amoureuse mais encore plus quand on est maman de deux enfants et que l’on est issue d’un milieu populaire. Je me suis dit qu’il serait intéressant de chercher à traduire en langage cinématographique ce reportage photo. Et de transposer cette expérience américaine dans la culture espagnole", confie le cinéaste. Il ajoute :
"A l’heure où la place de la femme et son émancipation occupent une place dominante dans les discours, montrer ce contre exemple d’une amoureuse qui a toujours besoin d’un homme à ses côtés m’interpellait. A travers les partenaires qui partagent la vie de mon héroïne, je fais un portrait de femme, tout en réfléchissant à la manière dont ces hommes construisent trois typologies différentes de masculinité."
Jaime Rosales a choisi de chapitrer le film autour des trois hommes qui partagent successivement la vie de Julia, dans le but de montrer à travers eux l’évolution de la jeune femme : "Si mon histoire avait consisté à montrer que Julia est toujours attirée par le même type d’hommes, qu’elle passe sa vie à reproduire les mêmes erreurs avec les mêmes personnes, j’aurais été dans un discours déterministe, un peu pessimiste."
"Or, je pense qu’en matière de sentiments, on a la possibilité d’apprendre, de faire son « éducation sentimentale » pour citer Flaubert. Cette histoire m’offrait la possibilité de faire évoluer le personnage de Julia et de montrer qu’à chaque nouvelle relation amoureuse, il y a un apprentissage. Non seulement elle ne répète pas les mêmes erreurs, mais elle va de mieux en mieux", précise le metteur en scène.
Jaime Rosales voulait un titre évocateur et poétique, qui ne soit pas explicite : "Il y a une dimension contradictoire dans le titre car les tournesols ne sont pas sauvages mais le personnage de Julia, auxquels ils font écho, l’est. Elle se révolte contre sa destinée. Le tournesol cherche la lumière et est dépendant du soleil. Il bouge en fonction de lui. Julia, de la même manière, est dépendante des hommes et se déplace en fonction d’eux."
Jaime Rosales a toujours éprouvé le besoin d’expérimenter différentes techniques sur ses films. Ici, il n'utilise que des panoramiques qui vont d’un personnage à un autre et se placent au plus près d’eux : "Cela permet aux acteurs de jouer sans interruption et au regard, de circuler."
"J’ai l’impression que ces panoramiques donnent un sentiment de subjectivité un peu dilué. Mais ce n’est pas non plus comme s’il y avait un témoin de la scène. Ici, c’est légèrement plus distancié. Qui regarde ? Cette notion pour moi est essentielle dans les films", explique le cinéaste.
Anna Castillo s’est présentée au casting deux semaines avant le démarrage des auditions car son emploi du temps ne lui permettait pas d’être présente le jour où les essais commençaient. Jaime Rosales se souvient : "Elle a fait une prestation extraordinaire mais je voulais encore voir d’autres actrices après elle. Elle s’est finalement imposée par son mélange subtil de technique et de naturel. Elle a quelque chose de charmant et de très touchant. On s’attache à elle. Cette alliance de charme et de technique impressionnante a conduit à son choix."
"Concernant ma méthode de travail avec les acteurs, nous improvisons autour des scènes, sans les analyser. Je parle peu avec eux de la psychologie et de l’évolution des personnages. Je n’aime pas décortiquer le scénario. Mon approche est plus intuitive. Il y avait des scènes légères où Anna Castillo devait apporter de la joie, qui alternaient avec des scènes de conflits et de tension souterraine. Il lui fallait moduler son jeu. Je ne travaille pas les scènes en fonction de leur ordre chronologique mais selon leur intensité. C’est pareil pendant le tournage."