Sur l’affiche du film, une petite phrase « L’art naît du chaos. ». Le titre en rose invite à la possible légèreté d’une comédie. Le visage d’une femme dont l’expression exprime le doute, apparaît en second plan derrière des petites sculptures qui prennent toute la place.
Le synopsis du film en deux lignes est très ténu. « A quelques semaines du vernissage de son exposition, le quotidien d’une artiste et son rapport aux autres. Le chaos de sa vie va devenir sa source d’inspiration ».
Le film n’est pas un documentaire sur l’art, il est un film de Kelly Reichardt. C’est bien l’expression singulière de la réalisatrice qu’il lui donne toute sa chair. En clair-obscur par petites touches elle filme l’altérité, et comment le rapport aux autres va impacter le processus créatif de son personnage principal.
Showing Up, est son dernier long après le très beau First Cow. Les deux films ont en commun, un même ressort central à savoir la présence d’un animal. Hier une vache, aujourd’hui un pigeon qui va provoquer le rapprochement de deux êtres, Jo et Lizzy.
Lizzy socialement, est assez revêche. Elle vit de manière solitaire avec son chat, et se plaint constamment auprès de Jo sa voisine et propriétaire, de sa chaudière qui ne fonctionne plus. Jo artiste elle aussi, semble habitée par un bel appétit de vivre, tout semble simple pour elle. Quand Lizzy travaille laborieusement pour être prête avant la dead line du vernissage. Elle fait encore et encore, inlassablement, sa vie ne se construit qu’autour de son travail, c’est son identité.
Le titre Showing Up, « se pointer », « dévoiler », invite à rendre visible ceux qu’on ne voit pas, qui sont à la marge.
Qui est Lizzy dans l’ombre de ses œuvres ? une femme qui existe et vit un quotidien. C'est l’actrice Michelle Williams, que nous venons tout juste de découvrir dans le très populaire « The Fabelmans » de Steven Spielberg en femme au foyer, qui vient l'incarner. Elle est incroyable dans la métamorphose de ses deux personnages, qui existent quasi conjointement dans les salles à quelques semaines d’intervalle. On peine un peu à la reconnaître tant les deux sont animées d’une énergie différente.
Je n’ai pu m’empêcher de penser à une autre cinéaste américaine, Debra Granik, qui elle aussi donne une voix aux personnes marginalisées dans la société. Mais aussi dans la manière de faire du cinéma, dans une approche pleine d'authenticité et de réalisme.
Les deux femmes se distinguent dans leur capacité à créer un cinéma intimiste, qui met en lumière des histoires ignorées, avec une grande délicatesse et beaucoup de sensibilité.
Elles nous invitent à réfléchir notre rapport au monde, sur tout ce qu’il y a en périphérie que l’on ne peut apercevoir au premier abord. Et le résultat à l’écran est prodigieux.
Kelly Reichardt tout comme sa compatriote est une cinéaste indépendante. Elle s’affranchit des codes et conventions, à contre-courant du cinéma, ce qui pourra en décontenancer certains.