Un film sur rien
Kelly Reichardt n’est pas une spécialiste du film d’action. A en juger par La dernière piste, Night Moves, Certaine femmes et First Cow, elle sait prendre son temps et fait plutôt dans le contemplatif. Et, le moins qu’on puisse en dire, ces 108 minutes ne dérogent pas à l’habitude. À quelques semaines du vernissage de son exposition, le quotidien d’une artiste et son rapport aux autres. Le chaos de sa vie va devenir sa source d’inspiration... On est en droit de détester ce genre de films, - c’est sûr on est loin de Dany Boon ou des super-héros qui envahissent littéralement les écrans à l’approche de l’été -, mais il faut aussi savoir apprécier ces moments, devenus trop rares, de cinéma organique, de fixité, qui nous parlent de la fusion entre la création artistique et l’ordinaire du quotidien. Une expérience.
Le film a été inspiré par Cynthia Lahti – la véritable créatrice des œuvres que l’on voit à l’écran -, qui était sur le point d'arrêter sa carrière, s'interrogeant sur la légitimité de son travail. Ce drame déconstruit en quelque sorte le fantasme du génie. Ici, le fait de devoir travailler à son art quotidiennement est avant tout une nécessité ne serait-ce que pour payer son loyer. Le tour de force est, en l’occurrence de nous intéresser à des personnages plutôt antipathiques à travers une non-histoire, mais plutôt une suite situations qui relèveraient simplement du quotidien le plus banal s’il n’y avait l’œil de cette réalisatrice décidément pas comme les autres. Le titre du film renvoie au fait de se présenter sur son lieu de travail tous les jours. Ensuite, l’idée de se montrer présent pour les autres, pour ses amis, pour les gens qu’on aime. Poétique, philosophique, d’une lenteur calculée, ce film reste réservé à des cinéphiles avertis.
Michelle Williams, pour sa 4ème collaboration avec Kelly Reichardt, est égal » à elle-même, formidable de présence subtile. Hong Chau, André Benjamin, Heather Lawless, l’entourent tout au long de cette réflexion su l’Art et la création qu’elle soit géniale ou pathétique. Souvenons-nous du magnifique Paterson de Jim Jarmush pour ce qui est du sujet. Comme d’autres je parlerai d’un « film sur rien », ou sur des choses aussi ténues que la contrariété, la quotidienneté, l’inconfort physique et mental, et l’art à l’épreuve de tout cela.