La Nouvelle Femme est le premier long-métrage de fiction de Léa Todorov. Auparavant, elle a réalisé les documentaires Sauver l’humanité aux heures de bureau et Utopie russe. C'est en co-écrivant en 2016 le documentaire Révolution école : l’éducation nouvelle entre les deux guerres, réalisé par Joanna Grudzinska et consacré aux pédagogies alternatives dans l’entre-deux-guerres, qu'elle se documente sur Maria Montessori.
La réalisatrice raconte : "Sa vie est compliquée et passionnante : entre 1922 et 1932, rappelée en Italie par le ministre de l’Éducation fasciste pour transformer en profondeur le système éducatif italien en vue de fabriquer l’Homme Nouveau, elle avait trouvé dans le fascisme une opportunité de répandre sa méthode. Mais ce qui avait aussi retenu mon attention, c’était le fait qu’elle ait dû abandonner son enfant pour devenir la femme qu’elle a été."
Issue du documentaire, Léa Todorov s'est vue proposer par le producteur Grégoire Debailly de travailler sur un biopic de Maria Montessori, et ce après la naissance compliquée de sa fille en 2017 : "Je savais alors que j’allais avoir un enfant différent, et il a eu l’intuition que je saurais me saisir de cette idée d’une manière personnelle."
Sa fille apparaît d'ailleurs dans La Nouvelle femme : "Je me suis posé la question à un moment de lui faire jouer le rôle principal, mais elle était beaucoup trop petite. Elle apparaît donc dans le film, notamment dans la seule scène où une enfant pleure. La raison est simple et terriblement utilitaire : je ne pouvais pas laisser pleurer une petite qui n’était pas la mienne... Mais ça m’a brisé le cœur ; elle n’était vraiment pas contente."
"La Nouvelle femme" est l'expression qu'utilisent communément les historiens pour désigner ces femmes féministes, éduquées et indépendantes de 1900 qui avaient réussi à accéder à des fonctions professionnelles et à des carrières universitaires, et qui affirmaient une place dans la société par le savoir. "Dans l’histoire de l’Occident, on n’a pas cessé de réinventer les femmes, de découvrir qu’en réalité, elles n’étaient pas stupides...", souligne la réalisatrice.
Léa Todorov s'est beaucoup documentée sur Maria Montessori, et s'est nourrie en particulier de trois biographies, "celle, très complète, de Rita Kramer, celle, plus critique, de Marjan Schwegman, et celle de Valeria Paola Babini, qui se concentre sur son féminisme scientifique" ; ainsi que du journal de l'année 1913 de Montessori elle-même, rédigé au cours d’un voyage transatlantique et dans lequel elle s’adresse beaucoup à son fils.
Elle explique : "J’ai eu le souci, tout au long de l’écriture, d’être le plus juste possible sur ce que je dirais de Maria. Même si son discours est parfois reformulé pour des besoins de clarté du scénario, je voulais que chaque mot lui soit fidèle."
La pédagogie Montessori est une méthode créée en 1907 par Maria Montessori, reposant sur l'éducation sensorielle et kinesthésique de l'enfant. Développée à l'origine pour les enfants neuro-atypiques, cette méthode aux résultats étonnants a été appliquée par Montessori sur un spectre plus large d'enfants, avec des résultats encore plus probants.
"Elle s’appuie sur des objets pédagogiques qui permettent aux enfants d’apprendre seuls - guidés par une enseignante qui les encadre – et de sentir et d’expérimenter de manière très concrète des concepts. Elle a un vrai point de vue de médecin sur l’éducation", déclare la réalisatrice.
Durant l'écriture, Léa Todorov n'envisageait pas de diriger des enfants neuro-atypiques, avant de participer à la Résidence Cinéma d’Émergence en mars 2021 qui accompagne les réalisateurs dans leur projet de premiers longs métrages. Cette expérience lui a permis d'envisager pour la première fois concrètement la fabrication de La Nouvelle femme. Il lui est alors apparu évident qu'il fallait tourner avec des enfants neuro-atypiques.
Elle raconte : "Nous nous sommes très vite rendu compte que nous arrivions à établir un lien puissant avec des enfants qui rencontrent parfois des difficultés très importantes, et que l’on a finalement toujours exclu". Certains des enfants avaient des difficultés motrices, d’autres cognitives, d’autres, des troubles sensoriels.
Elle revient sur la rencontre entre l'équipe et ces enfants : "Ça a été une expérience très forte pour tout le monde, parce que les peurs et les aprioris se déconstruisent rapidement dès qu’il y a contact. Tout le monde a vite réalisé qu’il n’y avait pas besoin d’être spécialisé pour être en lien, qu’il suffisait au contraire d’être dans le travail, dans l’exigence..."
Dès les premières versions du scénario, Léa Todorov pensait à Jasmine Trinca pour interpréter Maria Montessori. L'actrice a mis un peu de temps à accepter le rôle car elle commençait alors le tournage de son premier long-métrage en tant que réalisatrice avec Marcel !.
Sa participation a été décisive pour la réalisatrice : "Jasmine m’a fait aimer Maria. Quand j’écrivais, je n’avais pas beaucoup de tendresse pour elle comme personnage. Je la trouvais dure, autoritaire, certains éléments de sa biographie me paraissaient incompréhensibles. Je voulais donc marquer une distance, montrer ses ambiguïtés et ses ambivalences, mais l’interprétation de Jasmine la fait simplement être, au-delà du bien ou du mal."