Quelque part entre la misogynie éhontée, le scénario qui se paye ouvertement notre tête, et un discours sur la lutte des ethnies et des classes sociales coincées dans un immeuble qui pompe tout sur un précédent (et récent) film, La Tour se pose là. Une séance éprouvante, où l'on agrippe les accoudoirs pour se retenir de partir, furibond d'être tant pris pour des jambons. Le fait même que Guillaume Nicloux présente ce navet sidérant comme "un concept original" nous apprend déjà deux choses : soit il n'a pas vu High Rise (et la taule critique que ce film de 2016 - déjà pas bien qualitatif - a essuyé) et n'a pas cherché si son "idée" a déjà été réalisée, soit il espère à l'inverse qu'on ne l'a pas vu. Mais là où Nicloux se démarque, en revanche, de son prédécesseur, c'est dans l'incroyable enchaînement d'inepties scénaristiques dont il voudrait nous gaver jusqu'à la dernière seconde (qui nous achève bien). Alors donc, nous avons le postulat de base qui est cet immeuble étrangement coupé du monde extérieur, où un voile noir infranchissable enferme les habitants de toutes classes sociales, toutes religions, toutes idées pour s'en sortir, toutes volontés de s'entretuer ou s'entraider. Jusque-là, on reste dans les clous de ce qu'un film angoissant peut proposer, sauf que La Tour va rapidement se concentrer à montrer les femmes comme des ventres (poules pondeuses) ou des sextoys (monnaie d'échange pour les Messieurs) tandis que les hommes luttent et réfléchissent en groupes... Ce n'est que le début des festivités. Si vous étiez intrigués par ce voile noir, et vouliez avoir quelques réponses à cette histoire mystérieuse : soyez prévenu, Nicloux se fout de vous.
Qu'est-ce que c'était, ce voile noir ? Pourquoi est-il apparu ici et à ce moment ? Disparaît-il après ce que l'on voit du film ? Que sont devenus les gens qui habitaient au-dessus du 4è (qui a fini par s'évaporer... Sont-ils descendus, ont-ils été acceptés, rejetés, sont-ils morts) ? Qu'est-ce que c'est que cette scène de gens qui jettent des billes de couleur par la fenêtre ?
Au secours, un scénariste, vite... Mais peut-être le scénariste a préféré jeter l'éponge, en voyant qu'il devait nous faire passer sérieusement l'idée qu'on voit
des plantes potagères pousser sous des lampes de bureau, qu'on voit une période de huit ans défiler comme si la nourriture des frigos (et quelques chiens du voisinage) pouvait subvenir à tous ces gens (soupir du spectateur fatigué), et une anthropophagie de bébés qui n'est là que dans un but de choquer le badaud (avec une logique imparable, d'un point de vue totalement pragmatique : imaginez une femme enceinte qui doit consommer plus, sur neuf mois, pour espérer avoir un nourrisson de quelques kilos à l'arrivée...
Vous voyez la débilité du raisonnement ? Vous êtes plus intelligents que le scénariste). On s'est rapidement épuisé, à essayer de trouver du positif (le cadrage et la lumière, admettons) dans un film qui se moque de nous en retour, des efforts à sens unique qui nous ont laissés un goût amer. De la violence qui n'a rien d'original (on sait que cela se passerait comme ça dans pareille situation, la surprise aurait été de déjouer cette lutte des classes toute trouvée), des scènes-chocs inefficaces car illogiques, un postulat mystérieux qui nous rejette comme des malpropres si on essaie de le comprendre (avec une fin ouverte qui nous abandonne sans plus d'intérêt), des femmes-ventres rétrogrades et des plans de montées dans les escaliers qui ne finissent jamais (mais il y a combien d'étages ? C'est la Tour Montparnasse ou quoi ?!)... La Tour est votre pire cauchemar en festival, une tour-ista.