Avec La Fiancé du poète, Yolande Moreau avait envie de parler de notre besoin de rêver et de sublimer une réalité peu excitante. Pas seulement à travers la peinture ou la sculpture, mais aussi au quotidien. La réalisatrice confie : "Nous faisons tous des mensonges… Et si nos mensonges étaient de petits arrangements avec la réalité pour la sublimer ? J’ai toujours été fascinée par les gens qui endossent la personnalité d’un autre… Comme si leur propre vie n’était pas à la hauteur et qu’ils la rêvaient en usurpant l’identité d’un autre. Je me suis interrogée sur le faux, le vrai… Ce qu’il y a de faux dans le vrai et ce qu’il y a de vrai dans le faux…"
"J’ai glané quelques citations qui m’ont aidée dans ma réflexion et à cerner ce que je voulais raconter à travers « le faux »… - « Sans les faussaires, la vie serait vraiment triste » - « La sculpture donne de l’âme au marbre » - « L’art oppose la culture à la barbarie, l’humain à l’inhumain, c’est la volonté d’opposer au royal délétère, contre vents et marées, malgré tout, l’élégance et la beauté, même au milieu des ruines, surtout au milieu des ruines » J’ai repensé à ce pianiste, Aeham Ahmad, qui jouait dans les ruines en Syrie, à l’image que ça véhiculait… Cette phrase prend une résonnance particulière dans le contexte actuel de la crise que nous traversons."
"L’urgence de (re)mettre la culture et nos rapports humains au centre de notre existence. Se réinventer, refuser le carcan que nous impose la société. « Même au milieu des ruines », j’y ai pensé comme titre de mon film. « Même » dans les ruines, l’idée de résistance. J’ai voulu faire un conte poétique et politique."
Yolande Moreau tenait à jouer le personnage de Mireille, qu'elle qualifie de "femme fantasque et vieille amoureuse" : "Je me suis fait plaisir. Mireille est une femme faite mais qui a gardé quelque chose de juvénile, d’enfantin dans ses désirs… Elle a imaginé sa vie comme une poésie. Son amoureux de l’époque s’est fait passer pour un poète pour la séduire. Pour jouer Mireille, j’ai laissé pousser mes cheveux car j’avais vu une photo qui m’avait émue…"
La musique du film a été créée bien en amont du tournage par des amis de Yolande Moreau : "Florent Vintrigner, Pierre Luquet (La rue Ketanou), Pierre Bloch (Vaguement la jungle), plusieurs sessions joyeuses, chez moi, dans la grange pendant le confinement à la campagne. Et la musique « off » a été créée par Christian Olivier (Les Têtes raides), avec qui je joue le spectacle « Prévert »."
Tous les personnages de La Fiancée du poète "trichent", mais pour des raisons différentes. "Est-ce un film sur les faussaires, avec faux mariage, fausses identités, faux tableaux ? Ou un vrai film d’amour et d’amitié ? Un film sur le collectif, qui nous parle de la peur. La peur de la vie, la peur de l’autre… Mireille hérite de la maison (délabrée) de ses parents. Elle s’entoure de locataires qui seront un peu comme ses enfants ou des amants potentiels. Un étudiant aux beaux-arts (Thomas Guy), un ouvrier communal (Grégory Gadebois), et un Turc sans papiers (Estéban)", raconte Yolande Moreau.
Yolande Moreau rêvait depuis longtemps de travailler avec Grégory Gadebois. Elle connaissait par ailleurs Anne Benoît qui joue sa sœur et a rencontré Estéban et Thomas Guy en casting… La cinéaste se rappelle : "Thomas Guy m’a plu pour sa douceur, j’ai senti tout le potentiel d’empathie qu’il pouvait apporter et Estéban m’a plu pour la folie qu’il pouvait amener… Je cherchais un curé, qui devait être plus âgé que moi. Un jour j’ai pensé à William Sheller. Notre rencontre est amusante : un jour, il m’a demandé sur Facebook s’il pouvait être mon ami ! WILLIAM SHELLER !"
"Je me suis empressée de répondre ! Je lui ai proposé de jouer le rôle du curé et il a accepté ! Il n’avait jamais joué… Je le trouve formidable ! La cerise sur le gâteau : jouer avec mes vieux compères comédiens et amis : François Morel et Philippe Duquesne. J’ai cherché longtemps « le poète », l’amoureux de mes 18 ans… J’ai toujours adoré Sergi López, mais ça me semblait difficile (avec son accent) qu’il soit un poète français ! On a résolu l’affaire (avec Frédérique Moreau, ma coscénariste) en changeant la sonorité de son nom, André Pieyre DÉ MandiarguÈs, prononcé à l’espagnole."