Le titre du film n'est pas choisi au hasard puisque c'était bien une "correspondance" visuelle que voulait mettre en scène Laurence Petit-Jouvet initialement. Elle l'explique elle-même: "L’idée de départ était d’offrir à des femmes maliennes de Montreuil, Bamako et Kayes au Mali, la possibilité de participer à des ateliers de création audiovisuelle que j’encadrerais. L’objectif était de réaliser des “lettres filmées” autour du travail."
De son projet de départ, assez concret, Laurence Petit-Jouvet va s'apercevoir que beaucoup de matière réside dans ce qui n'est pas là: "Dès nos premières rencontres, j’ai senti la force de ces paroles qui ne s’expriment jamais. J’ai compris que mon travail consisterait surtout à les faire émerger en me mettant à l’écoute au plus près de ces femmes, les incitant chacune à aller vers l’essentiel." Elle a donc proposé aux femmes auxquelles elle s'intéressait, une méthode plus personnelle, plus intime, qu'elles ont accepté avec enthousiasme: "Lorsque je leur ai soumis la possibilité d’adresser leur lettre à une personne vivante ou disparue, peut-être même à un être imaginaire, j’ai senti que j’ouvrais des portes et des fenêtres."
Quand elle s'est rendue au Mali avec les paroles filmées de leurs parentes ou amies de Montreuil, Laurence Petit-Jouvet n'avait pas d'idée de la façon dont allaient réagir les femmes de là-bas: "Lorsque j’ai montré aux femmes de Bamako et de Kayes les lettres de Montreuil, je leur ai dit qu’elles n’étaient pas obligées d’y répondre. Je voulais qu’elles soient aussi libres que les femmes de Montreuil qui, elles, avaient toutes démarré avec la page blanche. "
Ainsi, elle a eu la même surprise que les spectateurs de son film face à leurs différentes réactions: "Chacune est donc partie dans son univers personnel, à l’exception, et c’est un joli hasard, des deux doyennes qui font le même métier : à la lettre de Hawa Camara, la médiatrice de Montreuil, Doussou Traoré, la médiatrice de Kayes, a choisi de répondre directement."
En faisant ce voyage de Montreuil au Mali, Laurence Petit-Jouvet s'est aperçue que les préjugés étaient bien grands et souvent faux quant à l'opposition du Nord et du Sud, ce qu'elle souhaite montrer aux spectateurs: "Là-bas, la société bouge, les moeurs évoluent, comme partout. Alors qu’ici en France, lorsque les familles migrantes ont perdu contact avec leur région d’origine, lorsqu’elles sont isolées, mal accueillies par la société française, elles ont tendance à se recroqueviller sur elles, à se rattacher à des traditions qui n’ont plus cours au pays. Un exemple : alors que les femmes de Bamako choisissent leur mari depuis longtemps, le mariage forcé est en France encore trop souvent pratiqué."
Correspondances a déjà été vu en Afrique où il a été diffusé sur les télévisions publiques du Mali, du Sénégal, du Bénin, Burkina Faso, Niger, Cameroun, Burundi, de Djibouti et de la Côte d'Ivoire. Il participe aussi à une sorte de caravane cinématographique, le "Cinéma Numérique Ambulant" qui va le faire tourner dans les villes et campagne d'Afrique de l'Ouest. Et ça n'est que le début de la carrière que lui envisage la réalisatrice Laurence Petit-Jouvet: "il a été sélectionné par Mobiciné, une ONG en train de mettre en place des diffusions par sponsoring sur mobylette dans Bamako et Dakar. Leurs motards projectionnistes vont sillonner les quartiers avec Correspondances en proposant de petites projections, ici dans une école, là sur un marché… contre peut-être un cube Maggi ou une dose de Nescafé ! J’en fais des rêves. Enfin, j’aimerais qu’on entende, ici et ailleurs, que ce film parle de nous, êtres humains, que l’on soit maliens, français, iraniens, italiens…"
L'Afrique est loin d'être un pays inconnu pour la réalisatrice Laurence Petit-Jouvet puisque dès ses sept ans, elle doit suivre son père qui est envoyé au Cameroun pour son travail. Ce séjour ancrera profondément en elle son amour du continent.