Inspiré des films des années 1930-1940 pour la typographie et la texture, le générique d'ouverture n'utilise pas de cartons fixes mais un déroulant qui défile lentement, accompagné du thème musical d’Earwig. Cette ouverture fonctionne comme une séance d'hypnose ou une invitaton à plonger dans un conte. "Le générique nous permet cette transition pour permettre au spectateur de quitter la réalité, de rentrer d’emblée dans l’univers du film, de le rendre réceptif au mystère qui traverse ce rêve... ou ce cauchemar...", explique la réalisatrice.
Le film est une adaptation du roman éponyme de Brian Catling. Geoff Cox, qui a co-écrit le scénario, est un ami de l'écrivain. Lorsqu'il a lu le manuscrit de ce dernier, Cox a immédiatement pensé à Lucile Hadzihalilovic pour le porter à l'écran. Celle-ci raconte : "Ce qui est formidable avec lui, c’est qu’il est non seulement écrivain, mais aussi artiste plasticien, auteur de performances, soit un artiste pluriel qui s’est mis à écrire pour déployer son imaginaire, et qui n’est pas attaché à ses textes au point de ne pas supporter qu’ils soient trahis. Or, le travail d’adaptation suppose une trahison et cela ne le gênait pas, au contraire, il trouvait cela ludique. Brian m’a donc laissé toute liberté, ce qui était très généreux et précieux."
Earwig contient peu de dialogues, et les premiers apparaissent au bout de vingt-trois minutes. "À l’instar du livre, Albert ne parle presque jamais à Mia comme s’il avait fait vœu de silence, ou comme s’il lui était difficile de communiquer verbalement avec les autres. Leurs rapports sont purement fonctionnels : changer le dentier, servir les repas... Ce silence est aussi celui de l’appartement : on n’entend jamais les voisins, et l’extérieur se résume aux cloches de l’église et au passage d’un train", développe la réalisatrice. Ce silence permettait aussi de placer le spectateur dans un état d’expectative et de générer de la tension et du mystère.
Le peintre danois Vilhelm Hammershøi, connu pour ses tableaux d'intérieurs dépouillés et énigmatiques, a été l'une des références pour la direction artistique d'Earwig. "Avec Julia Irribarria, la cheffe décoratrice, nous avons cherché un équilibre entre réalisme et abstraction. Un des principaux mots d’ordre était de faire le vide, aussi bien dans les intérieurs que dans les extérieurs. Nous avons dépouillé au maximum les pièces, des meubles et des accessoires, les rues, des figurants et des véhicules, ne gardant que l’essentiel", explique la réalisatrice.
Deux films ont servi de références à Earwig : Quand l'embryon part braconner de Koji Wakamatsu pour l’appartement vide, le découpage et les cadrages en scope, et Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman, pour le découpage également, mais aussi "pour les scènes domestiques, la répétition des situations et des plans avec leurs variations, l’importance des détails et les rituels qui se dérèglent..."
Le roman de Brian Catling se passe à Liège pendant l’entre-deux-guerres. La réalisatrice imaginait placer le film en Europe centrale, en Croatie ou en Hongrie, mais finalement les extérieurs devaient être filmés en Pologne. En raison de la crise sanitaire, l'intégralité d'Earwig a été tournée en Belgique. Un autre changement a été opéré, en raison cette fois du budget modeste : l'histoire ne se situe plus dans les années 1930 mais après la Seconde Guerre mondiale.
Il s'agit du premier film en langue anglaise de Lucile Hadzihalilovic : "le film est financé en grande partie par les anglais. Tourner dans leur langue me plaisait, car cela rendait l’ancrage de l’histoire moins défini, mais trouver les bons accents a été un défi pour moi. Il fallait que les personnages parlent un anglais européen et continental avec de légères variations d’accents pour rester dans cette idée d’Europe centrale."
L'appareil à récolter la salive a été conçu et réalisé par Benoît Polvêche, Christine Polis et Marc Caro, le réalisateur de Delicatessen et La Cité des enfants perdus.