Prêt pour un dernier voyage dans le Lointain ?
Alors qu'on avait laissé la saga "Insidious" se retourner sur le passé de sa médium Elise afin d'explorer de nouveaux cas d'esprits rancuniers, ce cinquième et probable dernier film choisit, lui, de faire suite aux événements de "Insidious 2" en faisant revenir non seulement les protagonistes de la famille Lambert au coeur de la tempête du diptyque originel mais aussi et surtout l'antagoniste sans qui la franchise ne serait sans doute pas aussi marquante (en plus des talents de mise en scène de James Wan sur les débuts) : le démon au visage rouge du premier film, dont la possible réapparition était teasée jusqu'à l'overdose dans tous les épisodes.
Et, comme James Wan, toujours producteur, aime donner leur chance à ses proches collaborateurs en les laissant effectuer leurs premiers pas de réalisateurs sur la franchise (c'était le cas de son scénariste Leigh Whannell sur le troisième film), c'est cette fois au tour de l'acteur Patrick Wilson de passer derrière la caméra pour ce qui est censé constituer l'apothéose de la saga et venir claquer une bonne fois pour toutes la porte rouge au nez de cet être démoniaque méchamment attaché au fils de son personnage.
Neuf ans après avoir effacé leurs expériences astrales de leurs mémoires, Josh Lambert et son fils entretiennent des rapports conflictuels à cause de ce voile sombre commun sur leurs souvenirs. Mais tout s'apprête à changer lorsqu'une certaine porte revient à l'esprit de Dalton...
Là où une surenchère de jumpscares était à craindre pour faire office de champ du cygne "flamboyant" à la franchise (et il faut bien reconnaître qu'ils faisaient sacrément leur effet dans les deux premiers volets dirigés par Wan), le prologue concocté par Patrick Wilson semble symboliquement ici nous signifier le contraire.
Face à un déclencheur venu du passé, quelque chose paraît vouloir se réveiller sous la forme d'une vague silhouette près de Josh Lambert mais elle ne se révélera pas. Du moins, pas tout de suite car, par ce biais complice, le néo-réalisateur nous traduit ce qui va l'intéresser avant tout sous la couverture de l'intrigue surnaturelle à venir: les conséquences dévastatrices d'un traumatisme éludé par un père et son fils.
Quelque part à rebours des habitudes de l'épouvante mainstream actuelle où l'on nous aurait signifier la présence du paranormal bien plus rapidement et de façon fracassante (surtout que, dans ce cas précis, cela ne fait guère de mystère), "Insidious 5" va en effet préférer se concentrer sur le constat de cette relation détruite par le refus de regarder une réalité en face, faire ensuite ressurgir cette dernière aux yeux des deux partis en souffrance et, ainsi, espérer qu'une forme d'apaisement en émerge dans l'adversité.
En plus de faire office de contre-pied à ce que l'on pouvait imaginer d'un énième "Insidious" en termes de rythme effréné ou de débauche d'effets en tout genre, cette approche ramène le film vers des fondations humaines et familiales simples, peut-être parfois même simplistes au vu du manque d'originalité qui gouverne très vite ce rapport père-fils, mais faisant néanmoins sens aux thématiques et conséquences des deux premiers opus tout en témoignant d'intentions honorables en vue d'insuffler un semblant d'âme à une suite qui avait tout pour en être dépourvue.
Par sa manière de poser ses enjeux, le résultat n'évite pas les maladresses, surtout lorsqu'il s'égare vers un lien transgénérationnel franchement inutile ou fait intervenir une colocataire au comportement plus qu'improbable, mais "Insidious 5" a le mérite de laisser vivre le conflit et les questionnements de ses personnages avant que le Lointain revienne petit à petit se rappeler à eux. D'ailleurs, à l'image de cette mémoire peu à peu retrouvée, les premières manifestations des résidents de l'entre-deux mondes se nourrissent plutôt efficacement de nos attentes d'apparitions soudaines, Wilson préférant installer l'ambiance de certaines situations sur la durée dans le but de jouer avec nos nerfs quant au moment où tout va déraper. Et, sans forcément briller ou innover en la matière, le procédé va marcher... un temps.
Car, oui, les bonnes intentions ne font forcément pas tout et, en l'occurence, un vrai bon film.
Dès lors que le récit se fait prendre en otage par un basculement beaucoup plus frontal dans le surnaturel (et donc le Lointain), "Insidious 5" se montre hélas bien moins intrigant, faisant à peu près tout ce que l'on pouvait attendre lui mais sans jamais renouer avec le panache du film originel (ou même de sa première suite) qu'il cite pourtant constamment en modèle. Que ce soit en termes de résolution trop mièvre, de nouvelles réunions père-fils parmi les morts n'évitant pas les facilités ou de clins d'oeil attendus au passé (à l'exception d'une certaine équipe d'experts, toujours très drôle), le film souffrira énormément de son manque de surprises à offrir, peinant à mettre en valeur ses meilleurs éléments dans des finalités hélas très prévisibles. À commencer par ce qui devait être son feu d'artifice: le retour de son flippant démon au visage rouge malheureusement ici sacrifié sur l'autel de la répétition pas très inspirée et ô combien moins marquante de notre première rencontre avec lui (aussi bien visuellement parlant que dans le contexte utilisé, c'était bien la peine de nous aguicher avec lui pendant toute la franchise pour si peu).
Attachant dans un premier temps par ce que Patrick Wilson tente d'y insuffler comme singularités, puis bien plus routinier (voire même malheureusement très convenu) dans un deuxième, "Insidious 5" se pose en point final imparfait mais honorable de la franchise.
Et, si les premiers pas de Patrick Wilson derrière la caméra ne sont pas les plus signifiants que l'on ait vus chez un acteur aux velléités de metteur en scène, le fait que son amour sincère pour la saga (et son personnage) transparaisse au point de prendre le dessus sur la bête et méchante foire à jumpscares qu'aurait pu être ce cinquième volet nous donne envie de voir ce qu'il nous réserve à l'avenir. Après tout, c'est après "Insidious 3" que Leigh Whannell s'est vraiment mis à briller en solo.