La grand-mère de Mona Achache a été une enfant cachée pendant la guerre, et la cinéaste garde intact son souvenir de petite fille qui l’écoutait raconter son périple : "J’étais étrangement fascinée par sa capacité à déployer un récit qui mêlait d’un côté la douleur de la perte de ses proches, la terreur de la guerre, et de l’autre, son insouciance d’enfant, son sentiment d’aventure et de liberté précoce qui l’avait portée pendant son périple."
"L’association de ces sentiments contraires m’a toujours marquée et je souhaitais explorer cette distorsion de la réalité propre au regard des enfants. Regarder l’histoire à hauteur d’enfant forge un récit historiquement incomplet. Mais c’est cette subjectivité de leur regard qui m’intéressait."
Les personnages adultes du film sont inspirés de certaines figures de la Résistance et de la protection des œuvres d’art, comme Rose Valland, conservatrice au musée du Jeu de Paume, Jacques Jaujard, directeur des musées nationaux et Pierre Schommer, responsable du dépôt de Chambord. Mona Achache précise :
"Jusqu’en novembre 1942, le Cher, rivière proche de Chambord, servait de délimitation de la ligne de démarcation et était le lieu de passage le plus proche de Paris. À partir de ces éléments historiques, nous avons imaginé le récit fictif de six enfants juifs cachés dans des caisses d’œuvres d’art à destination de Chambord, pour passer la ligne de démarcation."
Camille Cottin avait déjà joué dans le précédent long métrage de Mona Achache, Les Gazelles. La réalisatrice note : "Elle a volontiers accepté l’inconfort de ce tournage et n’a pas hésité à jouer sans maquillage et le plus souvent avec des enfants, ce qui n’est pas toujours simple."
Mona Achache et son équipe ont pu tourner dans le véritable château de Chambord, à quelques kilomètres de Blois. La réalisatrice confie : "Quand on a su qu’on nous confiait toutes les clés du domaine, la forêt y compris, j’ai vu le projet se concrétiser. Assumer un point de vue d’enfant, c’est aussi permettre, malgré le contexte cruel, de montrer le château et la forêt comme on les aurait découvert à leur âge : Chambord est un château de conte de fée, qui évoque Peau d’Âne, des figures de rois, de marâtres. De même, la forêt porte en elle tous les symboles. Elle est tantôt maléfique, tantôt féérique."
Le casting des enfants a été conditionné par le confinement et a donc été réalisé par vidéos interposées : "Je ne voulais pas me figer sur ce qu’on avait imaginé au scénario. Jamais ce qu’on a écrit n’est venu encombrer un coup de foudre pour un des enfants pressentis. Ce qui devait être ajusté l’a été pour tenir compte de leurs personnalités. Alors, un jeu de confiance s’est mis en route entre eux et moi."
"Un jeu libre et généreux. Il fallait mener ce groupe, me mêler à eux, et me mettre à leur hauteur : j’ai voulu restituer ce qui m’avait tant émue et fascinée chez chacun d’eux. C’est quelque chose qu’ils ont compris et dont ils se sont emparés rapidement. J’étais constamment moteur, mais aussi spectatrice de ce que cette émulation de groupe faisait jaillir, et de leurs déploiements individuels", se souvient Mona Achache.
Mona Achache avait pour source d'inspiration certains longs métrages l'ayant marquée quand elle était enfant et qui ont tous une perception onirique ou fantasmée de la réalité : Le Roi et l’oiseau, La Belle et la bête, L’Histoire sans fin ou encore Peter Pan. Elle raconte :
"Le château me donnait la possibilité de mettre en image cette distorsion enfantine de la réalité. Chambord, son château, sa forêt, rendent tangible cette dualité des enfants qui, au milieu de l’horreur, se fabriquent une bulle émouvante d’insouciance et de jeu. Le film est une ode à ce pouvoir éphémère."
Coeurs vaillants est avant tout une ode au pouvoir de l’imagination et de l’insouciance des enfants, à leurs forces fragiles. Mona Achache confie au sujet de la bande-originale du film : "Ma volonté de décontextualiser le film m’a guidée avec une évidence immédiate vers Benoit Rault, membre des HiTnRuN, dont j’admirais déjà le travail. L’élan des enfants, leur fuite est un battement que je voulais marquer rythmiquement. Les pulsations cardiaques se sont imposées comme un élément central de ses compositions. Je voulais qu’on entende le cœur battant de ces Vaillants enfants."
Mona Achache et le directeur de la photographie Isarr Eiriksson voulaient une image charnelle, organique, mêlant les corps et les éléments naturels comme les peaux et les pierres du château. "Une image avec du grain, de la matière, des profondeurs de champ texturées. On a cherché comment, caméra à l’épaule et à hauteur d’enfant, on pouvait retranscrire la poésie et le chaos constamment mêlés de nos petits protagonistes."
"On a privilégié une mise en scène très épurée, une image sans artifice, à l’exception de la nuit américaine qui nous permettait de pallier au problème du tournage de nuit avec les enfants et d’appuyer la dimension onirique du film", explique la cinéaste.