L’art de la transmission
François Favrat est un cinéaste qui se fait rare. Pourtant ses 3 films précédents – La sainte Victoire, Une Vie meilleure et Boomerang -, étaient tout à fait honorables. Mais depuis 2014, plus rien. Il revient sur nos écrans avec ces 110 minutes absolument passionnantes. À 19 ans, passionnée de street art, Naëlle est contrainte de suivre avec d’autres jeunes un chantier de réinsertion, sa dernière chance pour éviter d’être séparée de ses proches. Touchée par la jeune fille, Hélène, la responsable du chantier, lui présente un jour la Maison des Compagnons de Nantes, un monde de traditions qui prône l’excellence artisanale et la transmission entre générations. Aux côtés de Paul, Compagnon vitrailliste qui accepte de la prendre en formation dans son atelier, Naëlle découvre un univers aux codes bien différents du sien... qui, malgré les difficultés, pourrait donner un nouveau sens à sa vie. Ce n’est un énième film sur la banlieue, ni un docu vaguement fictionné, non, c’est beaucoup plus que ça : une belle intrigue pour de beaux personnages dans un contexte rarement montré au cinéma. A voir absolument.
Enfin, un vrai film sur le compagnonnage, sa noblesse, ses rites ancestraux, ses règles d’un autre âge, mais aussi sont incroyable modernisme dans un monde en délitement. Décidément, quand la 1ère image qui apparaît sur un écran n’est autre que celle du distributeur français – comme son nom ne l’indique pas -, Wild Bunch, vous êtes à peu près sûr que vous allez voir un bon, voir un grand film. C’est encore le cas, ici, avec cette histoire émouvante, très bien filmée et interprétée avec fièvre, conviction et talent. Pourtant, on joue dans le classicisme : une comédie dramatique à dimension sociale, le film charrie à l’envi des valeurs optimistes pour démontrer que malgré le déterminisme et les préjugés, il est toujours possible de trouver sa voie – d’autant plus lorsque des mains se tendent pour aider son prochain… Et alors ? Franchement, un propos positif, aujourd’hui, ça fait un bien fou. Le film tend à prouver que malgré une image publique peu envieuse, les soi-disant territoires perdus de la République ne doivent pas être condamnés à l’abandon et au dénigrement et que l’espoir existe toujours. En tout cas, on suit avec passion l’histoire de cette jeune fille, douée mais qui ne le sait pas, symbole d’une jeunesse complètement paumée. La vie pouvant être tissée de hasards heureux, arrive pour elle la découverte d’un univers dont elle ne maitrise pas les codes, où elle va se retrouver tel un poisson hors de l’eau et être amenée à se retrousser les manches pour espérer réussir car au bout du tunnel se trouve la clé de l’épanouissement personnel. Mais, par-dessus tout, l’intérêt réside, pour nous aussi, dans cette plongée chez les Compagnons du Devoir et du Tour de France, qui érigent en maître l’excellence artisanale et la transmission entre générations. On apprend ainsi que chez les Compagnons tout finit par des chansons. Jouissif !
Excellent choix que cette jeune Najaa Bensaid qui crève l’écran. C’est son 1er grand rôle et on en reparlera. A ses côtés, le duo Agnès Jaoui / Pio Marmaï est épatant… comme toujours. Ils font partie des actrices et des acteurs dont on a l’impression de toujours dire la même chose… le talent à l’état pur. Un film sur la fraternité et l’accomplissement par l’art qui sait faire apparaître une lueur d’espoir à travers le vitrail. La seule mauvaise nouvelle, c’est que ce beau moment de cinéma n’arrivera sur nos écrans qu’en mars 2022.