Pourchassée par les paparazzi et adulée des midinettes, Diana représente surtout un symbole moderne de la tragédie d'une femme "normale", plongée à son corps défendant dans un monde d'apparat, codifié et désincarné. Une icône résistante dont il est à parier qu'elle sera toujours célébrée dans les siècles futurs, aussi peu oubliable qu'Anne Boleyn, l'épouse sacrifiée de Henry VIII, qui hante Lady D. dans Spencer de Pablo Larrain, long-métrage qui entre en résonance avec son Jackie, tourné en 2016. Le film, qui est tout sauf un biopic, se concentre sur 3 jours de 1991, pour un Noël en famille, d'un royal effroi pour son héroïne. Il ne s'agit pas d'une chronique historique mais d'une fiction peu ou prou basée sur la réalité, une sorte de fable ou de fantasme, qui sonne presque plus authentique qu'un véritable témoignage. Dans une prison dorée oppressante, son personnage principal en perd presque la raison, en venant à prendre un faisan pour confident, cherchant à fuir un cabinet de cire où elle n'a nulle part sa place. Pablo Larrain mêle avec une science confondante sens du grandiose (et du grotesque) avec l'intimisme d'un portrait lequel, vu les circonstances, tient plus de Picasso que de Velazquez, quoique ... Spencer est un film d'horreur à sa façon, somptueusement réalisé, délicieusement rythmé (que ceux qui le trouvent lent retournent aux blockbusters), laissant suffisamment d'espace pour s'imaginer sa propre Diana, enfant gâtée pathétique, ou rebelle féministe, c'est selon. Dans le costume de princesse désenchantée, Kristen Stewart est sublime, forcément sublime, moins dans l'imitation que dans la recréation fertile. A ses côtés, Timothy Spall et Sally Hawkins, parmi d'autres, incarnent avec soin deux visions éternelles de l'Angleterre. Alors que Spencer sort en salles dans la majorité des salles européennes, sa distribution est hélas réservée en France aux abonnés d'une certaine plateforme. Un vrai crime de lèse-majesté.