Suite à la récente annonce alarmante du GIEC sur le réchauffement climatique (passée sous silence à cause du transfert de Messi au PSG... on se passera de commentaires hein...), "Rouge" tombe à pic et démontre le rôle déterminant de l'activité humaine pour préserver l'environnement. Cette chronique écologique coriace met en avant notre propre perte, notre auto-destruction au détriment d'une réalité économique et politique, d'un confort social. À la manière de "Dark Waters" qui décrivait les rouages d'une Amérique sacrifiée, Farid Bentoumi pose sa caméra dans une usine chimique où une jeune infirmière vient d'être embauchée grâce à son père, délégué syndical et pivot de l'entreprise depuis plus de vingt ans. Suite à un contrôle sanitaire, une journaliste indépendante soulève la question de la gestion des déchets de l'établissement, point d'interrogation de l'entreprise... Entre mensonges sur les rejets polluants, dossiers médicaux trafiqués et accidents dissimulés, "Rouge" s'articule en thriller social poignant, effrayant et irrémédiable mais aussi en drame intime où les générations rentrent en collision. Car en parallèle de cette dimension universelle qui dénonce les pratiques criminelles de ces usines pollueuses, il y a cette histoire d'amour entre un père, quinquagénaire prônant depuis toujours la défense de l'emploi, et sa fille, qui constate les dérives et les erreurs du passé, symbole d'une jeunesse préoccupée par la préservation de la santé et de la nature. Sami Bouajila et Zita Hanrot sont passionnément engagés dans leurs rôles, dans leur lutte et servent des interprétations étonnantes et déchirantes par moment. Il ne faut pas omettre Céline Salette et Olivier Gourmet qui viennent colorer le film d'ambiguïtés et de belles nuances. Les personnages sont fouillés, très bien écrits et ancrés dans leurs convictions, ce qui permet au scénario de ne pas prendre parti et de mettre en exergue des façons de penser diamétralement opposées. Certains dialogues font mouche et résonnent encore longtemps après la séance. La mise en scène, dense et condensée, va droit à l'essentiel et permet de nous maintenir en haleine. C'est alors que les thèmes du chômage, de la précarité, du journalisme, de la trahison, des politiques qui ferment l'oeil sur les scandales sanitaires, des responsabilités individuelles prennent de l'ampleur. J'ai aussi beaucoup aimé la symbolique du rouge, s'apparentant autant à la couleur du sang qu'à un signal d'alerte. Pour moi, "Rouge" est un geste politique important auquel il faut oser se frotter, surtout en ces temps où les questions du climat et de l'environnement se veulent de plus en plus centrales. Tout ça, servi avec suspense et émotions !