Un film vraiment très intéressant qui rappellera des souvenirs (plus ou moins bons, mais en général les souvenirs de notre jeunesse exaltée sont bons) aux vieux soixante-huitards, et apprendra beaucoup de choses aux jeunes générations. Que de choses ont changé...
Eh oui, les jeunes, en ces temps, il y avait non seulement des prêtres ouvriers, mais aussi des intellos ouvriers dont Robert Linhart (Swann Arlaud aussi crédible qu'en petit paysan!!) qui a raconté son expérience dans des livres, que naturellement je n'ai pas lu. C'est un des fondateurs de la Gauche Prolétarienne, qui avait pour caractéristique de ne pas compter de prolétaires dans ses rangs (tiens, qu'est devenu Alain Geismar? il me semble s'être bien rangé des voitures).
Linhart, donc, prof agrégé de philo en université, se fait engager en tant qu'OS aux usines Citroën, en l'occurrence à Choisy. Il s'agit d'éduquer la masse, indispensable pour réaliser la Révolution avec un grand R. Son épouse, Nicole (Mélanie Thierry) partage son idéal et milite inlassablement de son côté. Les débuts sont difficiles. Plus maladroit que Robert, ça n'existe pas. Il a deux mains gauches.
L'atelier est un melting-pot: africains, berbères, yougoslaves, italiens se côtoient sans pouvoir réellement se comprendre... Une occasion magnifique de soulever les masses se présente. A la suite des accords de Grenelle, les ouvriers ont obtenu des revalorisations salariales notables... que la direction a l'idée diabolique de récupérer en partie, en faisant travailler les ouvriers trois quart d'heures de plus, chaque soir, pendant six mois.... Mais que la grève est difficile à mettre en route! et surtout, à stabiliser dans la durée...
Robert est bien obligé de finir par dévoiler sa véritable identité. Et pour beaucoup, c'est insupportable. "toi, si tu es renvoyé, tu reprends ton boulot de prof et c'est tout! Mais moi, qui n'ai que cela pour vivre?" C'est en particulier la réaction d'Ali (Malek Lamraoui) qui l'a beaucoup aidé quand Robert débutant se coinçait les mains dans les machines... et qui se sent trahi.
Vous le voyez, il y a une réflexion très riche autour de l'engagement politique (en dépassant les utopies de l'époque). Une magnifique distribution dont Olivier Gourmet, prêtre et responsable cégétiste, qui, lui, est conscient et réfléchit; et Denis Podalydès, irrésistible en directeur d'usine et responsable du syndicat maison -du syndicat vendu qui recrute en proposant des apéros tellement sympathiques -et gratuits! Même s'il ne connait pas le passé réel de Linhart, il a flairé chez lui l'homme instruit, donc syndiqué potentiel...
Un petit bémol: on nous présente l'atelier et la chaine de montage des deudeuches comme un lieu assez bordélique où tous les ouvriers sont collés les uns contre les autres. Je me demande si c'est bien réaliste....
Non seulement c'est passionnant en tant que rappel d'histoire contemporaine, mais cela ouvre aussi toute une réflexion sur l'engagement politique, la compréhension entre classes sociales. A voir!