Claire Denis a découvert Denis Johnson, et notamment son roman Stars At Noon, vers la fin des années 2000. En 2013, elle a pu joindre l'écrivain au téléphone. Ce dernier lui a alors proposé une rencontre à La Haye, où il venait assister à une semaine de concerts :
"Timides tous les deux, je n'osais pas vraiment lui parler de mon envie d'adapter son livre. En tout cas, il m'a fait bien comprendre qu'il ne voudrait en aucun cas participer à un éventuel scénario. Il avait connu trop d'épreuves malheureuses auparavant."
"Stars At Noon, c'est son histoire quand, jeune homme, il est parti au Nicaragua pour "couvrir" la guerre civile. Il voulait devenir journaliste, tous ses articles ont été refusés. Et je crois qu'il a vécu l'enfer là-bas, sans argent et sans espoir", se rappelle la cinéaste.
"De retour aux Etats-Unis, il a décidé d'écrire ce roman en s'appuyant sur ses notes et ses articles rester lettre morte. Je ne suis pas sûre qu'il avait une grande confiance dans les adaptations. Mais l'adaptation de Jesus' Son lui avait plue et moi je ne lui ai pas déplu."
"J'ai appris la mort de Denis quand je tournais High Life à Cologne, je me suis dit: "Je le tente.""
A l'origine, c'est Robert Pattinson qui devait camper le personnage de Daniel, mais il n'a pas pu se libérer en raison du tournage de The Batman (qui avait déjà été décalé en raison de la pandémie). L'acteur avait déjà joué pour Claire Denis dans High Life. Taron Egerton a ensuite été pressenti, mais lui aussi a dû refuser la proposition.
Ecrit en 1986, le roman de Denis Johnson est situé au Nicaragua en 1984, en pleine révolution sandiniste. Toutefois, Claire Denis n'a pas vouu faire un film d'époque. La réalisatrice précise : "Le film se passe plus ou moins dans le Nicaragua d’aujourd’hui. Quand nous avons commencé le tournage, le Nicaragua était devenu inaccessible à cause des élections qui ont eu lieu en novembre 2021 et qui ont crée un grand désordre social."
"Le film s’ouvre sur le plan d'un immense arbre rouge constellé d'ampoules et à côté un arbre similaire fracassé et brûlé. Ces arbres érigés par la présidente, sont le symbole de Managua, la capitale du Nicaragua. Apparemment ils ont coûté une fortune qui évidemment n'a pas profité aux habitants, ils sont devenus le symbole de leur colère. Le Panama nous a permis de représenter des lieux qui au fond peuvent évoquer le Nicaragua."
Les scènes "à caractère sexuelle" sont très présentes dans le film, ce qui n'était pas le cas dans le livre. Claire Denis espérait que ces séquences ne soient pas triviales, mais qu'elles soient filmées franchement. Elle confie :
"Eric Gautier a choisi des objectifs scope "antiques". Ils étaient très lourds et encombrants et en fait, ils nous ont permis de filmer Margaret et Joe de si près, avec tant de confiance réciproque. J'ai envie de dire avec amour."
Claire Denis avait vu Margaret Qualley dans le film de Quentin Tarantino, Once upon time in Hollywood (elle y jouait la jeune hippie qui cherche à séduire Brad Pitt dans sa voiture). La réalisatrice l'a contactée et la comédienne a tout de suite accepté. Puis, la pandémie est arrivée et Margaret a attendu pratiquement trois ans. Claire Denis se rappelle :
"Elle n'a jamais perdu confiance et quand elle sentait que c'était moi qui perdais pied, elle m'appelait de Vancouver, où elle tournait Maid, pour me remonter le moral. Je pensais que the english man serait interprété par Robert Pattinson mais justement, à cause de la pandémie, il était mobilisé par le tournage et la promotion de Batman pendant deux bonnes années."
"J'ai fait la connaissance de Joe Alwyn par Zoom, j'étais déjà au Panama et nous étions à la veille du tournage. Je l’avais admiré en soldat dans Un jour dans la vie de Billy Lynn de Ang Lee. Tout s'est passé très vite. Nous parlions par zoom un vendredi, lui à Londres, moi à Panama et sans hésiter, ni lui ni moi, on a éprouvé l'envie de travailler ensemble."
"Le lundi suivant, il arrivait à Panama. Avec Margaret et Joe, tout était simple. Leur talent, leur implication, leur compréhension des personnages et surtout leur complémentarité. Elle, comme une résurrection de Paulette Goddard dans les Temps modernes de Chaplin. Lui, si blond, si tendre, si doux, avec sa peau blanche comme un nuage qui flotte à la surface de son corps."
Grâce à l'équipe technique sur place, en majorité panaméenne, qui s’est naturellement agrégée à l'équipe française, tous les problèmes devenaient des solutions comme s'en souvient Claire Denis : "Il pleut ? Eh bien, il n’ y a qu’à tourner la pluie. Le décor n’est pas celui qu’on espérait ? Pas grave, on va en trouver un autre etc, etc... Une équipe de compagnons."
Claire Denis a voulu engager Benny Safdie (réalisateur et acteur du remarqué Good Time) pour jouer l'homme de la CIA. La cinéaste confie : "C'était mon rêve et il a réussi à se libérer pour venir passer quelques jours au Panama. Il a apporté au personnage de l'agent de la CIA une intelligence désarmante."
"Danny Ramirez, je l'ai rencontré dans un rendez-vous de casting classique à Los Angeles juste avant la pandémie et nous sommes restés en contact, heureusement."
"Au Panama, choisir des acteurs (professionnels ou non professionnels), s'est fait pendant la préparation avec l'aide d'une directrice de casting qui a remué ciel et terre. Je ne suis pas prête d'oublier ma rencontre avec Nick Romano qui n'a pas cru pendant longtemps que c'était lui que je voulais et personne d'autre."