Le scénario de Goodnight Soldier s'inspire de plusieurs histoires vraies, dont celle d’un peshmerga qui, blessé dans la guerre contre les terroristes de l'Etat islamique huit jours avant son mariage, avait dû être opéré d’une grave lésion dans le dos près de la colonne vertébrale. Le metteur en scène Hiner Saleem précise :
"Tout allait apparemment bien mais, le jour de ses noces, il a découvert, catastrophé, que l’opération l’avait rendu impuissant. Comment, dans une société encore très patriarcale et face à l’impuissance sexuelle, un homme pouvait-il se comporter vis-à-vis de sa femme ? Et la femme, quelle marge de réflexion et de décision pouvait-elle avoir ? Avait-elle même le choix ?"
"Je pense que cette histoire est directement connectée à la révolution de mœurs que connaît le Moyen-Orient, il n’en reste pas moins qu’elle concerne aussi nos sociétés occidentales, où les prérogatives masculines constituent encore la seule planche de salut pour beaucoup d’hommes. Je suis franco-kurde, et je voulais, en faisant ce film, m’adresser aux deux cultures."
La crise traversée par le couple, qui finit par se solder de manière positive, est une métaphore du Kurdistan et un message d’espoir. "Quand on n’est pas le maître de son destin, on s’accroche à l’espoir. C’est la même chose pour la société et les rapports hommes/femmes. L’avenir des Kurdes passe par la libération de ces femmes. Pour applaudir, il faut les deux mains", confie Hiner Saleem.
Le film a été tourné au Kurdistan irakien, dans la ville de Duhok, puis à une vingtaine de kilomètres à la campagne. "Et, enfin, dans les ruines d’Alkush, une petite ville chrétienne dans la plaine de Ninive dont Daech avait fait le siège de l’Etat islamique avant d’être libérée par les combattants kurdes", précise Hiner Saleem.
Lorsqu'il tourne Kurdistan, où l’industrie cinématographique est peu développée, Hiner Saleem ne posssède évidemment pas un grand panel de choix d’acteurs (et surtout d’actrices). Le metteur en scène a donc pour habitude d'avoir recours aux castings sauvages, à la recherche de "gueules". Il raconte :
"Pour le rôle de Ziné, j’avais de toute façon peu de chances de trouver une actrice kurde vivant au pays qui accepte de montrer sa poitrine, et encore moins de tourner nue, comme l’exigeait le scénario. J’avais repéré Dilin Döger dans une pub. Elle m’a fait confiance et j’ai eu le bonheur de découvrir qu’elle avait beaucoup de talent."
"Galyar Nerway, qui vit en Suède et a fait des études de cinéma à New York, était pressenti pour être mon troisième assistant. Je l’observais alors que nous étions en repérages - il avait une belle tête -, j’ai fait un essai avec lui, et c’était mon Avdal. Apparaître nu dans un film c’est difficile aussi pour un acteur kurde, mais ça ne posait pas de problème à Galyar."
Le tournage a duré huit semaines. Hiner Saleem se rappelle : "Il y a des choses que je peux faire là-bas qu’il me serait impossible d’exécuter à Paris. J’avais besoin de soldats pour une scène de figuration. J’ai appelé un ami officier '– Combien t’en faut-il ? me demande-t-il. Mille ! – Pour quand ? – Dans quarante-huit heures. – D’accord. – Il y a encore une chose. – Quoi ? – Je ne peux pas les nourrir. – T’inquiète pas.'"
Au Kurdistan, aucun officiel ne lit ni ne valide les scénarios. Hiner Saleem n'a pas non plus eu besoin d’autorisation de tournage (et ce dans n'importe quel endroit du pays). Toutefois, le financement d’un film kurde est délicat, et ce malgré la volonté politique du gouvernement. Le cinéaste se souvient :
"Il faut chercher dans le privé. Et même si mes films sont franco-kurdes, il n’est pas évident non plus de trouver des financements en France. A part Cinémas du monde, on ne sait pas à quelle porte frapper. Aucune chaîne publique française n’est jamais entrée en coproduction sur mes films."
"Canal Plus, en revanche, m’a suivi sur tous. Et j’ai la chance d’avoir pour partenaire une société comme Agat Films, dont Marc Bordure et Robert Guédiguian, qui ont produit ou coproduit plusieurs de mes projets.
"Malgré la concurrence des plateformes, la France a encore des distributeurs, ici Jour2Fête, qui croient à la force et à l’universalité du cinéma."